Choisir son casque avion (1) - Les bruits
Nos petites oreilles sont fragiles et la vie de pilote font qu’elles n’ont pas la vie facile. Entre les variations rapides de pression, le bruit ambiant, la radio… elles subissent beaucoup d’agressions. Cela conduit dans un premier temps à une fatigue et une gène et à terme conduit à une perte auditive.
Le choix d’un casque est donc primordial.
Il doit être confortable pour pouvoir être porté plusieurs heures (et ce même avec des lunettes), offrir une bonne capacité d’écoute (certes on n’est pas là pour un concert de musique de chambre, mais on se doit de comprendre clairement ce qui est dit) et une bonne isolation phonique.
Connaitre son ennemi pour mieux le combattre
On le perçoit facilement: le bruit dans un cockpit de liner n’a rien à voir avec le bruit dans la cabine d’un monomoteur piston, d’un hélicoptère, d’un appareil turbine (pressurisé ou non),… Chaque type d’appareil génère des fréquences sonores différentes.
Les sources de bruits sont diverses: il y a le(s) moteur(s), le(s) hélice(s), le bruit aérodynamique, les instruments (gyro…),les oscillations de la structure elle même, la ventilation…
Sur les moteurs pistons, on trouvera principalement un pique sonore sur les basses fréquences (inférieures à 500 Hz), sur les appareils turbines un mélange de basses et hautes fréquences, sur les réacteurs des fréquences moyennes à hautes.
On le comprend vite, l’environnement sonore d’un avion est très complexe à appréhender et ce n’est donc pas pour rien que dans les années 90 et 2000 que la NASA a réalisée plusieurs campagnes d’essais sur les bruits dans les appareils d’aviation générale.
Les sources de bruits sur les appareils de type SEP / MEP
Un grand nombre d’appareils monomoteurs sont équipés de moteurs pistons, généralement utilisés dans une plage de 2400/2500 RPM (soit environ 40 tours par seconde).
Sur un monomoteur piston tournant à 2400 RPM (tel que l’on en trouve sur les DR400, TB10, TB20…), on s’attend donc à avoir:
Le bruit moteur, a une fréquence de l’ordre de 40 Hz, générée par la rotation du vilebrequin moteur,
Le bruit d’échappement, a une fréquence de l’ordre de 80 Hz ou 120 Hz suivant le nombre de cylindres. Bien-sur cette fréquence de base s’accompagne de multiples autres bruits qui s’étendent sur une large bande de fréquences.
Quelques détails au regard de ces chiffres:
– pour un moteur 4 cylindres – à 80 échappement par secondes (en 2 tours, les 4 cylindres ont tous accomplis leurs cycles)
– pour un moteur 6 cylindres – à 120 échappements par secondes (en 2 tours, les 6 cylindres ont tous accomplis leurs cycles)
– pour un moteur N cylindres à un régime RPM donné, le nombre d’échappements par secondes est calculé par RPM * N/(60 * 2).Le bruit d’hélice, qui s’ajouteront au fréquences moteur déjà existantes.
– Pour une hélice bipale, si on considère le bruit d’une pale à chaque fois qu’elle passe devant le pilote, on aura une fréquence à 80Hz.
– Pour une tripale, une fréquence à 120 Hz.
Le son produit par le passage de l’hélice est complexe, il se décompose d’une fréquence basse, réellement liée au passage de l’hélice (le 80 ou 120 Hz) et d’autres fréquences résonnantes (harmoniques à n*fréquence de base), qui sont créées par la dépression, la rencontre des tourbillons marginaux en bouts de pale…Le bruit aérodynamique
Les sources sont diverses. Généralement les décochements et autres aspérités créés des tourbillons qui génèrent un bruit comparable à un sifflement mais qui peut s’étendre aussi bien sur des hautes que des basses fréquences (bruit de couche limite).
De manière générale, le bruit aérodynamique diminuera avec un avion présentant peu d’aspérité ou une surface sans décochement apparent.Si vous êtes attentifs, vous devriez noter le changement de son sur les avions de ligne lorsque les airbrakes sont déployés en vol, ou lorsque que le train ou les volets sont sortis.
Le bruit de structure
La structure de l’avion répond aux diverses fréquences sonores générées par le moteur,l’hélice et les vibrations aérodynamiques.
Les bruits de structure proviennent principalement du firewall, des panneaux latéraux et du pare-brise. Pour certaines fréquences, les panneaux de l’avion agiront alors comme un tambour.
Cependant, les garnitures, les sièges… vont absorber certaines fréquences alors que l’intérieur de la cabine va agir comme la caisse de raisonnance d’une guitare et amplifier certaines fréquences.
C’est ainsi que certains avions apparaissent plus silencieux que d’autres alors que ce sont les mêmes modèles. Ils ont simplement des intérieurs différents ou une installations d’équipement légérement différente (ce qui va changer les fréquences naturelles de l’avion).
Pour résumer avec quelques chiffres:
- Les harmoniques de la fréquence de base du moteur (40Hz – fm1) sont à 80Hz(fm2), 120Hz(fm3), 160Hz(fm4), 200Hz(fm5), 240Hz(fm6),… 360Hz(fm9),…
- Pour un moteur à 6 cylindres, nous aurons les harmoniques associées à l’échappement (120Hz-fe1): 240Hz(fe2), 360Hz(fe3),…
- Pour une hélice bipale (80Hz-fb1): 160Hz(fb2), 240Hz(fb3), 320Hz(fb4)…
- Pour une hélice tripale (120Hz-ft1): 240Hz(ft2), 360Hz(ft3),…
- Le bruit aérodynamique et de structure assimilable à un bruit blanc.
Les hautes fréquences sont facilement atténuées, il reste donc plus d’énergie sur les basses fréquences (<1000Hz), les hautes fréquences étant absorbées naturellement.
Ainsi, pour un monomoteur avec une hélice bipale, on devrait trouver des pics de fréquences à 40Hz (fm1), 80Hz (fm2+fb1), 120Hz(fm3+fe1), 160Hz(fm4+fb2), 240Hz(fm6+fe2+fb3),… (cela correspond aux fréquences identifiées en gras).
Cette analyse succinte est comparable au spectrogramme obtenu par la NASA, qui présente clairement les pics de fréquences 80Hz, 120Hz et 240Hz (issu du document General Aviation Interior Noise: Part III –Noise Control Measure Evaluation – NASA)
Pour un monomoteur tripale, on devrait trouver des pics de fréquences à 40Hz, 120Hz (fm3+fe1+ft1) , 240Hz (fm6 + fe2 + ft2)… correspondants aux fréquences en Italique.
C’est ce que l’on retrouve globalement sur le diagramme suivant:
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, voici ce que j’obtiens dans la cabine d’un Piper Malibu 310P (6 cylindres, hélice bipale) avec l’application Spectroid installé sur mon smartphone.
On identifie bien que les sources de bruits sont dans les basses fréquences, avec une augmentation significative de la puissance pour des fréquences inférieures à 2500Hz (pour être plus précis, il faudrait un autre type de matériel, à commencer par des micros convenablement calibrés).
On retrouve bien le bruit d’hélice, avec une fréquence en RPM / 60 * Nb Pales (soit 80Hz à 2400RPM, 77Hz à 2300RPM) , ainsi que le bruit d’échappement à 120Hz (à 2400RPM). Je n’ai pas vraiment d’explication pour le pic à 180Hz. Peut-être un élément que j’ai négligé (ventilation,…). On identifie bien les harmoniques à 160Hz (hélice) et 240Hz (échappement).
Bien entendu, ceci reste valable pour un appareil équipé d’un réducteur (par exemple les appareils équipés de moteur Rotax).
Le moteur tourne a un régime plus élevé (environ 4000 / 5000 RPM), mais via le réducteur, l’hélice tourne à un régime proche de 2300/2400 RPM.
Les bruits d’échappement et mécanique seront plus haut en fréquence, mais le bruit d’hélice sera toujours là… on aura cependant une impression d’un appareil plus silencieux car l’énergie du moteur sera émise sur des hautes fréquences, celles-ci étant plus facilement stoppées on ressentira un appareil plus silencieux.
Sur un appareil bimoteur, les choses sont plus complexes:
- d’une part les hélices sont sur les cotés de l’appareil, la distribution sonore est donc différente.
- les sons émis par les deux moteurs peuvent s’annuler, se recomposer,… Ainsi suivant votre position dans l’avion, vous pouvez être au calme ou être, au contraire, dans une zone très bruyante.
Comme on commence à le deviner, le bruit à l’intérieur d’un appareil d’aviation générale, n’est pas une chose facile à comprendre, à traiter et à analyser.
Si l’on rajoute en plus les effets de caisse de résonnance, d’absorption sonore par les matériaux,… on image l’étendue de la tache.
Mais pour résumer, si vous volez sur des appareils SEP (monomoteur à pistons) ou MEP (Multimoteurs pistons), sachez que les basses fréquences sont votre ennemi.
Sources:
General Aviation Interior Noise: In-Flight Source/Verification Part I – NASA/CR-2002-211665
General Aviation Interior Noise: In-Flight Source/Verification Part II- NASA/CR-2002-211666
General Aviation Interior Noise: Part III – Noise Control Measure Evaluation – NASA/CR-2002-211667