Choisir son casque avion(2) - L'oreille
L’article précédent sur les bruits intérieurs a permis d’identifier les sources de bruits, les fréquences et l’intensité de ceux-ci.
Cet article va essayer de mettre en avant qu’elles sont les fréquences et les intensités les plus nocives pour les oreilles.
L’oreille humaine
L’oreille est un organe sensoriel particulièrement complexe. Outre le fait qu’on l’utilise pour entendre, elle est également utilisée pour percevoir les accélérations et donc agir sur l’équilibre. L’oreille se décompose en trois parties:
- L’oreille externe, composée du pavillon (qui est souvent tiré lorsque l’on fait des bêtises) et le conduit auditif externe.
- L’oreille médium avec le tympan et les osselets, qui est raccordée aux trompes d’Eustache afin d’équilibrer les variations de pression.
- L’oreille interne avec la cochlée, qui contient les cellules ciliées qui permettent la perception auditive, et l’appareil vestibulaire qui permet la perception des accélérations.
En générale, l’oreille permet d’entendre des sons ayant des fréquences entre 20Hz et 20KHz et a une sensibilité plus importante pour les fréquences allant de 300Hz à 4KHz (ce qui correspond sensiblement aux fréquences de la parole).
Dans la cochlée, le son rencontre en premier les cellules ciliées associées à la détection des fréquences aiguës, puis au fur et à mesure de la pénétration dans la cochlée, celles-ci deviennent de plus en plus sensibles aux fréquences graves. La structure de la cochlée fait en sorte que les sons aigus ne peuvent parvenir à la zone associée aux basses fréquences. De ce fait, même une exposition uniquement à des basses fréquences peut entraîner des liaisons sur les cellules ciliées responsables de la détection des hautes fréquences.
La suppression des bruits de basses fréquences n’est pas à négliger si l’on veut garder de bonnes conditions auditives, car ceux-ci impactent l’ensemble des cellules ciliées. A contrario, les hautes fréquences n’impacteront pas ou peu les cellules ciliées associées aux basses fréquences.
Les différents seuils sonores
L’oreille a une sensibilité proche d’une évolution logarithmique. Cela veut dire que pour une pression auditive multipliée par deux, le son perçu n’a que légèrement augmenté. Pour avoir une impression d’entendre un son deux fois plus fort, il faut donc que la pression acoustique soit multipliée par 100.
Une question de dB
On trouve très souvent des courbes ou des mesures en dB mais aussi en Pascal… difficile de les comparer simplement.
La pression de référence pour les analyses sonores est fixée à 20 µPa. Dès lors qu’une pression sonore sera étudiée, on la comparera à cette fréquence de référence. Les amplitudes pouvant être importantes, on utilise les dBspl (Sound Pressure Level) qui sont définis par:
Cette quantification n’est cependant pas celle que nous percevons. Nos oreilles sont plus ou moins sensibles à certaines fréquences et de fait, nous aurons l’impression que certaines fréquences sont plus fortes que d’autres alors que la même pression acoustique est exercée.
À niveau de pression égale, l’oreille humaine entend mieux les sons de fréquences moyennes et aiguës que les sons graves ou très aigus.
Afin de prendre en compte cette caractéristique on utilise des courbes isosoniques. Ces courbes permettent d’appréhender le bruit perçu pour une certaine fréquence et intensité.
Chaque courbe isosonique représente un ressenti d’égale intensité. Par définition à 1 kHz, l’échelle des courbes isosoniques correspond à celle du niveau sonore. Ainsi un son de 80hz émis à 55dBspl sera ressenti comme un son de 1000Hz à 40dBspl (40 phons) , ou encore, un son de 1000Hz à 50dBspl (ou 50 phons) est entendu aussi fort qu’un son de 100Hz à 58dBspl.
On remarquera qu’aux environs de 3000Hz, il y a une amplification (un son 3000Hz à 35dBspl correspond à 40 phons). Cette fréquence correspond à la fréquence de résonance de la cochée. Le seuil d’écoute est fixé à 0 phons et le seuil de la douleur à 120 phons.
Cependant, exploiter ces courbes est difficile au quotidien. Pour faciliter la comparaison, on introduit la notion de décibel A (dBA), de décibel C (dBC) et décibel Z(dBZ)en introduisant une pondération. Cette pondération est établie pour tenir compte de la sensibilité moyenne de l’oreille (ayant une ouïe normale) et ce pour chaque bande de fréquences.
- L’atténuation A est la courbe standard et reflète la réponse humaine de l’oreille pour des pressions acoustiques de moins de 50dB. C’est une reprise des courbes isosoniques vues précédemment.
- La courbe C est utilisée pour les mesures impulsionnelles (au-dessus de 100dB, la réponse de l’oreille est différente) ou les mesures en basse fréquence. On parle alors de dBC (ou dB(C)).
- La courbe Z est la courbe plate (atténuation constante à 0), reconnue en tant que dBZ (ou dB(Z)).
Du fait que la courbe d’atténuation C est moins atténuante dans les basses fréquences, elle est de ce fait plus sécuritaire dans un environnent dominé par les basses fréquences (tel qu’un cockpit de monomoteur à pistons).
Vous pouvez estimer le bruit à vos oreilles avec la formule suivante (ce n’est qu’une estimation, il faut rajouter quelques dB pour se rapprocher d’une valeur plus juste):
- Avec une courbe A: Bruit Ambiant (dB) – (NRR -7) /2
- Avec une courbe C: Bruit Ambiant (dB) – (NRR /2)
Par exemple, en se basant sur des valeurs généralement rencontrées dans un avion monomoteur et un casque standard, pour un bruit de 95dB et un casque de 25dBC NRR, la valeur aux oreilles est de 83dB. Valeur à comparer aux tableaux des réglementations du travail (qui dans le cas de l’exemple nous limiterait à 4h d’exposition au bruit). Dans la réalité, il est fort probable que l’on soit à des valeurs de 85 à 88 dB, ce qui est loin d’être négligeable.
La durée d’exposition
Le temps d’exposition aux bruits est un paramètre à considérer.
S’il est possible d’être exposé brièvement à des puissances audio importantes (>100dB) sans dommage permanent après une exposition courte, il n’en est pas de même face à une exposition moins puissante (90dB par exemple) pendant plusieurs heures quotidiennement. On parle ainsi d’exposition quotidienne et de niveau impulsionnels (pression acoustique de crête).
Réglementation
Le temps d’exposition et le niveau sonore maximale sont souvent encadrés par la réglementation du travail. En Europe, on ne peut ainsi pas passer plus de 8h exposé à 80dBA, plus de 15min à 95dBA… De manière simple, lorsque l’on augmente la puissance de 3dBA, on divise par 2 le temps maximum autorisé.
En ce qui concerne le bruit dans un cockpit d’avion, la réglementation CS23-Amdt 5 ne présente pas d’information précise:
The applicant must design the aeroplane to:
(1) allow clear communication between the flight crew and passengers;
Il est donc tout à fait possible d’avoir des cockpits très bruyants et par conséquent, le casque offre une protection auditive à valeur réglementaire, notamment si vous utilisez cette machine professionnellement (instructeur…).
Si l’environnement du cockpit et l’utilisation du casque ne permettent pas de tomber à une valeur inférieure à 80dB, le temps de travail doit être adapté. Dans tous les cas, le niveau sonore résiduel à l’oreille doit être inférieur à 87dB (à cette valeur, le temps d’utilisation est inférieur à 2h par jour).
Pour un casque offrant 28dB NRR d’atténuation, cela veut dire que le bruit ambiant doit être inférieur à 100dB pour être dans les clous réglementaires (limitations à 87dB). Le bruit ambiant devra être inférieur à 94dB pour une utilisation à 8h par jour (80dB avec casque). Les états unis ont des valeurs de références différentes (85dB pour 8 heures d’exposition), mais ils définissent également une dose journalière.
On comprend donc toute la nécessité d’avoir des appareils silencieux, mais aussi d’avoir du bon matériel individuel.
Il est possible d’avoir une double protection (bouchons et casque). Mais il n’est pas possible d’additionner simplement les protections. L’affaiblissement est estimé par la formule empirique:
atténuation = 33 * Log(b x 0.4)+(s x 01)
avec b: atténuation SNR des bouchons, s: atténuation SNR du casque.
ou, pour des données NRR
atténuation = (NRR-7)/2 -5
Les formules étant empiriques, les données SNR pouvant ne pas être publiées (beaucoup de matériel fait référence aux normes américaines et donc à la valeur NRR). Il faut autant que possible éviter de se retrouver dans un tel cadre d’utilisation, car cela ouvre la porte à de nombreuses interprétations et poursuites.
Source:
http://www.audiosonica.com/fr/cours/post/2/Table_des_matieres
https://fr.wikipedia.org/wiki/Protection_auditive#Double_protection
https://noisyworld.org/noise-reduction-rating-usage/#how-to-estimate-your-hearing-protector-attenuation-when-wearing-both-earmuffs-and-earplugs https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cibel_A