La saga des troya - Saison 2 - Chapitre 9
Pierre, le lendemain matin, décide de rendre visite au curé Caillat. De nombreuses idées plus ou moins claires encombrent son raisonnement, rester dans cette situation lui est impossible. Pierre saute sur son cheval et s’y rend de suite.
Ce brave curé en reste un peu surpris. Rien ne pouvait lui laisser supposer sa visite, surtout à cette heure assez matinale. Mais se reprenant, il le fait entrer à la cure, touchant le jardin du manoir des Saint Jay.
En l’accompagnant jusqu’à son oratoire des prières du matin, lui servant aussi de pièce de réception de la cure, il s’inquiète de savoir :
· Que me vaut votre visite ce matin ?
· Une question de droit canon.
· Ah bon ! Pourquoi ?
· Je viens d’avoir un petit fils hier … mais comme vous le savez hors du mariage. … Allons-nous pouvoir le baptiser ?
· Et bien non, dit le curé, il est considéré comme le fruit de Satan.
· Ho là ! L’abbé … mon fils n’a rien de satanique.
· Bien sûr … Moi aussi je le sais … mais notre Sainte Mère l’Eglise, a des règles strictes.
· Il doit bien exister un moyen de rentrer dans le rang ?
· Oui, j’en connais un, mais ce n’est pas simple … Il faut obtenir une dérogation de l’Evêque, voire du Pape. Là dessus notre St. Père n’est pas très souple.
· S’il y a une chance, il faut la tenter.
· Nous pouvons l’essayer, mais sûr, nous aurons droit à l’enquête de l’évêché et plus, bien certainement.
· Et bien mon cher curé, diligentez ce que vous voulez … Je veux que mon fils puisse se marier, je veux baptiser mon petit fils. … Même si vos œuvres doivent m’en coûter, il faut l’obtenir cette dérogation.
Le curé réfléchit un moment … puis dit à Pierre :
· Voilà, nous allons jouer sur les deux tableaux, le mien et le vôtre.
· Que voulez-vous dire ?
· Je me charge du curial, au moins jusqu’où je peux aller atteindre, vous, il vous faut en parler à Clément de Saint Jay, qui vous doit bien cette aide.
· Je n’aime pas tirer les sonnettes.
· Rentrez votre orgueil mon cher Pierre, il faut mettre le prix pour chaque chose.
· Puisque je suis le coupable, j’accepte.
· Coupable ? … Pourquoi ?
· J’ai empêché ces enfants de se marier tout de suite … Je me suis entêté sur le sujet m’amenant là aujourd’hui.
· Bon … et bien alors … raison de plus, et dites m’en plus.
Pierre explique la façon rétrograde utilisée pour juger son fils. Le curé écoute en bon curé qu’il est, prend des notes jusqu’au bout du sujet et des confidences.
Pierre demande à être tenu au courant le plus rapidement possible, en exigeant pour le moment d’être le seul dans le secret. Dès qu’il connaîtra les désirs de l’évêché, il fera le nécessaire et trouvera bien le moyen d’y donner suite.
Une semaine passe, Pâques approche. Le curé Caillat vient un jour rendre visite chez les Troya, sous le couvert du denier du culte, prélevé tous les ans pour les Ordres. Magdelaine comme chaque année se montre généreuse. Pierre voit que son curé a quelque chose de plus à lui dire.
· Voulez-vous me suivre jusqu’à mon bureau, j’ai quelque chose à vous montrer.
Le curé emboîte le pas, il a vu Pierre saisir la manœuvre, mais il ne peut rien dire ne sachant pas si Magdelaine est au courant ou non.
Entré dans le bureau, le curé sort un pli au sceau de l’évêché, le tend à Pierre. Pierre l’ouvre … lit … puis relève la tête.
· Comme vous avez pu le lire, notre Evêque demande une enquête de bonne vie, et de bonnes mœurs, sur toute la paroisse et le Comté de Murinais qui rejoindra le Marquis de La Porte. C’est un gros morceau. En plus il demandera l’avis du Pape. Je ne sais pas si nous nous en sortirons.
· Si curé, nous nous en sortirons, il le faut. Comment va démarrer cette enquête ?
· Ce sont deux diacres nommés avec le vicaire général, ils seront habilités à enquêter, sur la façon de vivre et de se comporter d’Eulalie et de Jacques.
· Bien, je vais m’en occuper … Je vais aller voir les Saint Jay et le comte d’Aberjon de Murinais. Si j’ajoute le Marquis de la Porte que mon ancêtre a ramené vivant des croisades après lui avoir sauvé la vie, le plateau sera lourdement chargé. Mais il faut que le vicaire et les diacres viennent ici avant de ne rien entreprendre. Est-ce possible ?
· Je pense que oui, si ce n’est là, ce sera à la cure. Le droit curial me le permet.
· Marchons dans ce sens, il faut régler les choses avant Pâques.
Le curé Caillat retourne à son presbytère un peu inquiet, mais déterminé à rendre service à celui qui fait tant pour tout le monde.
Pierre va commencer par le « début ». Rendre visite à Clément de Saint Jay. Il s’y rend le lendemain de la visite du curé.
Clément le reçoit les bras ouverts. Laurence demande des nouvelles de toute la famille, elle sait la naissance du fils de Jacques. Pierre les rassure, rajoute :
· C’est pour cela que je suis là. … Pourrais-je vous parler un moment ?
· Oui, asseyez-vous je suis tout à votre écoute.
Laurence ne sachant pas de quoi il s’agit, ne voulant pas paraître indiscrète, se retire prétextant une obligation.
Pierre explique ce que le diocèse veut.
· Qu’en pensez-vous Clément ?
· Rien d’insurmontable … tout le monde c’est sûr, ne peut donner que des bons renseignements. Mais je pense à un moyen, tout à fait rapide, restant moins public. Je vais monter seul à Murinais parler au Comte, je demanderai après au marquis de nous rejoindre devant l’église, puis nous irons ensemble chez le Comte. Qu’en pensez-vous ?
· Pour moi c’est d’accord. … Le temps de saluer Laurence, je vous dis à demain matin.
Vers neuf heures le lendemain, les trois cavaliers se retrouvent à l’endroit convenu. S’entretiennent un court instant.
Pierre éperonne son cheval en tournant brides :
· Maintenant, allons voir le Comte.
· Dix minutes de cheval, ils sont rendus. Frappent à la porte de la cour intérieure. La porte s’ouvre :
· Si vous voulez bien me suivre jusqu’à la grande salle … monsieur le Comte va vous recevoir dit le majordome du comte.
Cinq minutes plus tard le Comte entre :
· Ah ! … Mes amis, venez jusque là nous serons mieux.
· Comment allez-vous Monsieur le Comte ?
· Très bien pour le moment, … surtout depuis le retour du printemps ensoleillé, chauffant un peu cette grande maison. … Mais parlons de vous … Pourquoi êtes-vous là ?
· Pierre des Troya, a un problème à vous exposer, auquel nous souscrivons déjà.
· Pierre expose les faits.
· Notre Sainte Mère l’Eglise est bien tatillonne pour des choses méritant certainement d’être revues. Mais pour le moment il en est comme cela.
Clément prend la parole :
· Voilà ce que nous pensons. Pourquoi ne pas faire tout de suite une lettre, signée de nous tous, donnant l’avis recueilli sur nos terres, la faire tenir à l’Evêque de Grenoble. Le vicaire général et les diacres n’auraient à voir uniquement sur la paroisse de Quinsivet, là, notre curé Caillat s’en charge, puisque cela dépend de sa curie.
· C’est bien, dit le Comte … Je pense que votre stratégie est la bonne, je vais donc suivre votre façon de traiter le problème.
Il se dirige vers un secrétaire. En sort un nécessaire à écrire, puis d’une écriture ample, très formée en pleins et déliés, il écrit en disant à haute voix en même temps ce qu’il note :
À Monseigneur l’Evêque de Grenoble :
Le Comte d’Aberjon de Murinais.
Le Marquis de la Porte de Varacieux dont je dépends.
Le Sire de Saint Jay.
Monseigneur,
Nous souhaitons que votre Seigneurie, prenne en compte la demande de Monsieur Pierre des Troya, de Murinais, paroisse de Notre Dame de Quinsivet, la demande qu’il a faite, de vouloir et pouvoir marier son fils Jacques à Eulalie des « Grands plans » et également de faire baptiser l’enfant né le 9 mars 1352, à onze heures du jour, de sexe masculin. Le père : Jacques des Troya, reconnaît l’enfant pour être le sien.
Nous, signataires de cette demande, attestons de la très bonne moralité qu’ont les deux parents, ce depuis toujours. Nous pensons pouvoir insister, pour obtenir la dispense, afin que ce couple et son enfant reviennent au sein de Notre Mère l’Eglise Catholique, comme ils l’ont toujours été.
J’ajoute qu’Eulalie a reçu son éducation chrétienne, chez nos bonnes Sœurs dont le couvant est situé sur mes terres non loin de mon château.
Le grand père de l’enfant, ici présent, a toujours fait preuve de grande charité chrétienne envers tous les êtres qu’il côtoie. Le curé Caillat étant prêt à recevoir le vicaire général et les deux diacres en sa cure, pour attester à son tour de la très grande moralité de cette famille, de leur grande foi et de leur grande générosité.
Nous vous prions Monseigneur, de croire en notre très grand respect et notre attachement aux lois de l’Eglise.
Les signataires,
Marquis de la Porte de Varacieux,
Comte Jean d’Aberjon de Murinais,
Seigneur des paroisses de Quinsivet et de
St.Vérand.
Le sire de Saint Jay, voisin du demandeur,
Le demandeur Pierre des Troya du foity haut.
· Pour ce qui est de cette lettre, j’envoie aujourd’hui même un coursier la porter à l’évêché de Grenoble.
L’affaire quoique bien entreprise, n’est pas pour autant réglée. Qu’elle va être la décision de l’Eglise et de sa hiérarchie ?
Nous verrons bien.
Les amis se séparent, se disant à bientôt et de se tenir au courant.
Les absences de Pierre sans réels motifs fournis, laisse à penser à Magdelaine qu’il s’occupe d’une affaire, mais de quoi exactement ?
Ses questions ont toujours la même réponse : rien, c’est le travail, je t’expliquerai le moment venu.
Une dizaine de jours passent, vers les dix heures du matin, le curé Caillat frappe du heurtoir à la porte. Gertrude va ouvrir, fait entrer le curé directement à la grande salle.
Magdelaine est seule,
· Ho ! … Mon père, vous ici ? … C’est trop rare, vous devriez venir plus souvent. Asseyez-vous, je vous en prie.
Le curé s’assoie, demande un peu gêné :
· Monsieur Pierre est-il ici ?
· Non … Non … Il s’est absenté ce matin, mais il ne doit pas tarder de revenir, suivant ce qu’il m’a dit. … C’est à quel sujet ?
De plus en plus gêné, le curé ne voulant pas mentir, ne sait trop que répondre.
· C’est pour une affaire urgente … Que nous essayons de régler depuis pas mal de jours, j’ai eu ce matin une réponse la concernant, dont je dois informer en privé votre époux.
Ouf ! pense-t-il. Mais je ne vais pas pouvoir tenir longtemps. Ses pensées à peine terminées, la porte s’ouvre, Pierre revient de sa course.
· Ah ! Mon père, vous voulez peut-être me voir ?
· Oui, je le disais à l’instant à votre épouse.
· Et bien venez jusqu’au bureau.
Le curé se lève, suit Pierre.
· À tout à l’heure Madame.
Au bureau, le curé tire d’une petite serviette de cuir, une liasse de parchemins. À la première page, le sceau de l’évêché, puis un titre :
« Affaire de la paroisse de Quinsivet ».
· Voilà ce que pense l’Evêque et ses adjoints des affaires canoniques … Il dit, que vu la gravité de la faute aux manquements des règles de l’Eglise, il ne pourra accorder dérogation, qu’avec la bénédiction du Pape. Car c’est un mauvais exemple méritant un châtiment.
· Bon. … Alors ça veut dire quoi ?
· Ça veut dire que sans appui vers le Pape … l’Evêque n’ayant pas voulu trancher, l’affaire est mal partie.
· Et bien décidément, … votre clergé est bien compliqué !
· Peut-être, mais c’est comme ça ! … L’évêque a accepté, après votre lettre, de réduire l’enquête de bonnes mœurs, qu’à la paroisse de Quinsivet, je me charge du problème et la moitié de vos préoccupations sont réglées. Mais le Pape c’est une autre affaire.
Le curé ferme son dossier, le rentre dans sa serviette. Pierre accompagne son ami curé jusqu’au perron, lui sert la main en lui disant à bientôt.
Il entre à pas lents dans la grande salle, tirant avec lui ses pensées, soulignons-le, pas très réjouissantes. Magdelaine est encore là :
· Qu’avez-vous Pierre ? … Que me cachez-vous ?
Ce vouvoiement, marque, sans qu’elle s’en rende compte, le souci et le respect qu’elle a pour cet homme.
· Je crois le temps venu, de vous en informer. J’aurais aimé le faire avec un autre résultat, mais là ce n’est pas moi qui décide.
Il lui explique le déroulement de l’affaire en détails, pourquoi il recherche d’obtenir ce résultat faisant le point de la situation actuelle.
Elle reprend le tutoiement :
· Pierre tu viens de me dire que le Marquis a signé le document ?
· Oui, bien sûr.
· Alors nous avons encore une chance.
· Laquelle ?
· Mon oncle Belissard des Hautes Combes a un fils André, il est entré comme secrétaire au palais du Pape en Avignon. Il dirige, suivant ce qu’il m’a expliqué pour le mariage d’Anne, tout un pan de l’organisation du Saint-Père Clément VI. En plus ils se connaissent très bien car ils sont de la même région, Maumont … Voilà peut-être le levier indispensable … Il dépend du Cardinal de Faubert, ancien archevêque de Bordeaux, parent du Marquis par sa mère. Nous sommes en plein du côté de ma famille Belissard des Hautes Combes.
· Nous devons joindre ce neveu André à tous prix en Avignon, et ramener ce document de dérogation signé avant Pâques. … Je pars demain pour Avignon prépare ce qu’il me faut, je prendrai le relais poste à Romans.
Pierre rassemble les documents possédés par lui et le curé Caillat. Le dossier est complet, contient la lettre de ses amis, la réponse de l’Evêque. Le curé Caillat ajoute un document personnel.
Henri mène Pierre à Romans, l’embarque à bord de la diligence. Roulant, brimbalé aux caprices de la route, Pierre pense ce que seront ses jours à venir.
Le relais de Bollène est joint vers douze heures trente. Il y est prévu une halte plus longue où il est possible de se restaurer. À l’auberge le patron mitonne sur l’âtre un navarin de mouton, élevé sur le plateau du Lubéron, réputé pour ses agneaux aux senteurs des herbes de Provence et surtout du thym.
Pierre s’installe à la grande table d’hôte, commande un navarin accompagné d’un rosé, dont la production est très localisée.
Il finit par un bon morceau de fromage de chèvre et un coulis de fraises. Un bon repas sommes toutes, qu’il apprécie à sa juste valeur.
Mais son but n’est pas de faire une tournée gastronomique.
Encore deux ou trois relais pour être rendu, ce voyage parait long à Pierre.
De temps en temps, son voisin assis à son côté, lie la conversation sur le paysage qui défile ou ce qui vaut son déplacement, affaires ou promenades.
Pierre sur ce sujet écoute mais ne dit rien. Il enchaîne toujours sur le Rhône ou sur la Camargue pas très loin.
Enfin c’est l’entrée d’Avignon. La porte romaine est toujours debout.
Pierre s’acquitte du péage, toujours dans la diligence, rejoint les remparts de la ville. Des archets et des soldats en armes, assurent leur garde sur les chemins de rondes et les coursives.
La diligence franchit cette porte, le chasse-roue pousse l’arrière avec brutalité, secouant durement tous les voyageurs. La grande cour du relais est adossée aux remparts. Sur cette cour, en attentes, des fiacres sont prêts au départ des quartiers de la ville.
Pierre fait signe à un cochet ; descendant de son siège, il s’approche :
· Voulez-vous me conduire à l’auberge la plus proche du palais du Pape … et prendre ma malle ?
· Il y a deux auberges près du palais … l’auberge de l’archevêché, et celle de la place de l’église. C’est tout près, celle de l’archevêché est plus grande et plus confortable. L’autre de moins grandes conditions.
· Va pour l’auberge de l’archevêché.
Le cochet prend la malle, la fixe au porte bagages, sur le derrière du fiacre à l’aide des courroies de cuir à boucles. Remonte à son siège, fait claquer son fouet, le fiacre roule.
Dans les plus vieilles rues, des portes de bois cloutées portent encore la trace de la croix blanche, faite avec de la chaux, rappelant les ravages occasionnés par la peste en Avignon, très touchée par la première épidémie.
Ils arrivent maintenant devant l’auberge de l’Archevêché. Le cochet arrête son fiacre au ras du caniveau en pierres. Le patron s’approche :
· C’est pour loger Monseigneur, ou pour manger ?
· Pour les deux … je pense deux jours.
· Dans ce cas … je vais vous donner la chambre du devant … Elle coûte une livre par jour … le prix vous conviendra-t-il ?
· Très bien.
L’aubergiste commande au valet d’accompagner Monseigneur … (L’habitude sans doute, ce brave aubergiste appelle tous les hommes Monseigneur. Il est sûr de ne pas se tromper dans le défilé des civils ou des hommes de robe).
Pierre s’installe, change ses vêtements poussiéreux du voyage. Descend l’étage après avoir fermé sa porte à clef et demande au patron :
· À votre idée, comment faire pour aller rendre visite à quelqu’un, en plus secrétaire au palais du Pape ?
· C’est simple, dit-il. … À gauche de la grande entrée, vers la herse et la grande porte, vous avez un guichet. Le guichetier vous dira, suivant qui vous voulez rencontrer, ce qu’il conviendra de faire.
Il est un peu tard, mais Pierre prend sa chance pour gagner une demi-journée. Se rend au guichet qu’il trouve sans problème.
· Monsieur, s’il vous plaît, je voudrai rencontrer monsieur André Belissard secrétaire du Cardinal de Faubert, responsable des affaires canoniques du Saint-Père Clément VI … Où dois-je aller pour le faire ?
· Votre nom s’il vous plaît ?
· Pierre des Troya, du comté de Murinais en Dauphiné.
Le guichetier note le nom et l’adresse donnée, sur le registre des entrées.
· Voilà les formalités faites. … Maintenant vous devez aller là bas, vers le fond du patio, vous voyez ? Il lui montre du doigt.
· Oui, je vois.
· Vous prenez la galerie partant sur la « destre » … Vous la suivez, jusqu’à ce que vous trouviez devant vous, un portier installé à une table. Là vous lui demanderez qui vous voulez rencontrer.
· Merci … je m’y rends.
À l’intérieur de la grande cour, Pierre se sent écrasé par la hauteur et la grandeur de l’édifice, dont les pierres paraissent lui peser sur les épaules.
Il emprunte cette galerie, en sommes, très fréquentée. Arrive à la table du guichet, à l’arrivée de Pierre devant lui, le portier lève la tête de son travail d’un air interrogatif,.
· Oui … s’il vous plaît … je voudrais rencontrer le secrétaire général du Cardinal de Faubert se nommant André Belissard des Hautes Combes.
· C’est le bureau numéro un … du deuxième couloir … Il se lève, montre de l’index … Vous voyez là-bas vers le fond ?
· Oui … Tout a fait … Merci.
Pierre suit le prolongement de la galerie, passe le premier couloir, tourne dans le second. Sur la première porte une plaque de cuivre sur laquelle est gravé :
« Secrétariat général du Cardinal de Faubert. »
Il frappe à la porte :
· Entrez … dit une voix.
Pierre ouvre la porte. Au milieu de la pièce une rangée de table, derrière chacune un secrétaire en soutane est installé. Le premier pose la question :
· C’est pourquoi ?
· Je veux voir monsieur André Belissard des Hautes Combes, secrétaire général.
· Oui, c’est le bureau du fond.
Pierre avance. Il voit un homme encore jeune, levant la tête de ses écritures, son regard le fixe. Pendant un éclair il voit le regard de Magdelaine, ce regard doux, lui ayant tant plu dans sa jeunesse. C’est bien lui, pense-t-il, un tel regard ne peut être que le sien.
· C’est bien à André Belissard que je m’adresse ?
· Oui, en effet … que puis-je pour vous ?
· Je suis votre grand oncle, Pierre des Troya.
· Le père d’Anne qui vient de se marier, demande André ?
· Oui, c’est cela.
· Mon père ne tarit pas d’éloges sur cette fête si bien réussie … Et croyez-moi je regrette encore de n’avoir pu m’y rendre … Mais que faites vous en Avignon ?
· Une histoire bien compliquée … Je ne peux pas vous l’expliquer ici.
· Je comprends … Attendez un instant, je finis les signatures du secrétariat et nous passerons au cabinet privé.
Il émarge sous le sceau du Cardinal, comme secrétaire, au moins une dizaine de plis ou de documents.
· Voilà, j’ai fini …
· Mais dites-moi André, vos fonctions sont importantes ?
· Oui … en tant que diacre, j’ai eu beaucoup de chance. Mais surtout celle d’avoir la confiance du Pape Clément VI, connaissant ma famille depuis bien longtemps … Mais mon oncle ne me vouvoyez pas, dites-moi tu, je serais plus à l’aise … Dites-moi pourquoi vous êtes ici ?
Pierre sort les parchemins, explique en détail la situation. André reste perplexe.
· Que souhaitez-vous de ma personne ?
· Je veux si possible, que vous obteniez ou fassiez obtenir, la dérogation du Saint-Père le Pape avant Pâques. Je dirais même plus, pour tout de suite afin de l’emporter avec moi.
· Mon oncle vous n’y allez pas par quatre chemins … Le Pape est très occupé, le rencontrer n’est pas facile ; obtenir de lui cette dérogation, dans aussi peu de temps sera un exploit. … Mais je veux bien essayer …
· Bravo mon cher neveu … voilà comme j’aime que l’on approche les situations. … Je vois bien au travers de vous cette résolution toute familiale.
André et Pierre quittent le palais en échangeant des nouvelles plus détaillées sur la famille Dauphinoise, Anne, Renaud, sa tante, Jacques, Jean, puis Eulalie, la cause première de sa visite. Ce fut la revue complète.
Ils se dirigent à l’auberge de l’Archevêché où Pierre est logé, puis s’installent à la table de l’aubergiste et boivent un peu d’hydromel, fait avec le miel de Provence tant réputé pour son goût unique.
· Restez avec moi pour dîner mon neveu ?
· Non je ne peux pas, j’ai un rendez-vous … Je passerai demain matin, vers les onze heures et vous ferai un rapport de la réunion … En attendant faites un tour dans la ville.
· C’est entendu … je serai là pour onze heures.
André file à son rendez-vous, chez les parents de celle, désirant bien se marier avec lui.
Pierre, harassé par ce voyage et cette visite, tombant de fatigue, va s’effondrer dans son lit.