La saga des troya - Saison 3 - Chapitre 12
Le développement des idées.
Pendant les deux années nécessaires à construire la maison des « Quatre chemins », bien des événements ont eu lieu au sein des autres familles. Surtout chez les Gilot, où la santé d’Oscar n’est pas folichonne. Il n’a jamais pu se remettre tout à fait de ce coup de froid contracté pendant la construction du nouvel atelier mécanisé.
Le « Saut de l’aigue », n’est rien d’autre qu’un ressaut naturel de la rivière, permettant l’installation d’une roue noria, ou roue de pêche, transmettant la force motrice utile aux frotteurs et autres engins d’affinages et d’assouplissements.
Les affaires, vont pour le mieux c’est plutôt la santé que le bât blesse.
Anne n’a pas pu garder un enfant, au sixième mois elle fut victime de la fausse couche d’une fille, Anne a mis bien des mois à s’en remettre.
Heureusement Thérèse l’a aidée à surmonter cette période. Anne reporte sur Jacpy l’affection qu’elle n’a pu donner à son propre enfant, ce qui rapproche beaucoup les deux jeunes femmes.
Renaud, toujours énergiquement demandé par le comte de Provence, doit aller faire une visite à Aix pour le rencontrer. Lui et son entourage sont devenu pratiquement leurs meilleurs clients, mais surtout leurs meilleurs porteurs de renommée.
Voilà à peu prés, ce qui c’est passé pendant un peu plus d’un an et demi.
L’hiver dernier Oscar a rechuté ; il doit rester couché. Son coup de froid s’est transformé en bronchite chronique, tous ont peur d’une évolution en pneumonie. Oscar se rend compte que son état empire.
Le 27 novembre, alors qu’il a passé une très mauvaise nuit à chercher son souffle, il demande à Thérèse de faire venir son fils et sa bru auprès de lui. Il veut leur parler.
Thérèse suit ses recommandations, fait venir leurs deux enfants :
· Ah ! … Te voilà Renaud, arrive-t-il à dire.
· Oui père, je suis là … avec Anne et maman. … Que nous veux-tu ?
· Je veux dire merci à Anne … d’être venu vers nous …
Une quinte l’arrête net …Il cherche son souffle de plus en plus rare.
· Mon plus grand regret, est de n’avoir pas pu voir et jouer avec mes petits enfants … Renaud je te demande de continuer ma tâche le plus possible … Continue avec Anne de fonder une famille. Je vous remercie des beaux jours que nous avons passés ensemble.
Oscar s’éteint, un sourire esquissé sur les lèvres.
Les obsèques ont lieux à St.Vérand. Tout le village est présent tant l’affabilité d’Oscar est reconnue. Après la messe, où le reste de la famille des deux côtés est présent, les familles se rendent au cimetière touchant la droite de l’église. Une tombe où repose déjà ses parents et aïeuls est ouverte pour le recevoir.
Ainsi va la vie, nous sommes tous de passage.
Jacques et Eulalie, dont les travaux de leur maison sont terminés, pensent pour cet automne 1354, de pouvoir planter les terrasses du jardin. De garnir d’arbres décoratifs le tour de la plate-forme du devant de la maison, servant pour une partie, de dégagement tournant autour du grand bassin rond où l’eau de la source fait une petite cascade sur des tufs disposés en rebonds. Sur un demi-cercle, le tour est pavé en pierres, du côté de l’escalier donnant sur le perron.
Les murs de clôture ne sont pas encore terminés, trois maçons et deux manœuvres sont toujours à leurs constructions. Les portails d’entrée soutenus par trois piliers en molasse, sont finis. Un portail double en fer forgé, permet le passage des attelages, un plus petit à droite, permet l’accès des piétons ou des cavaliers. De part et d’autre du portail, un mur, au faîte duquel est posée une herse en fer forgé plus décorative que défensive.
Jacques a fait appel à un pépiniériste, tous ces végétaux seront plantés sous les conseilles de ce professionnel, dont la création de bosquets, d’allées de charmilles, de tilleuls pour le demi-tour du haut, à la suite des pavés, mais aussi sur l’ensemble du jardin.
Puis sur la terrasse du dessous, des marronniers formant un coin très ombragé pour l’été. Ceci bien sûr dans quelques années. Entre certains arbres, sont installés des bancs de pierre, avec des bras massifs, sculptés de têtes d’animaux fabuleux, lions, dragons et salamandres.
L’ensemble est réparti le long de l’allée d’une courette gravillonnée. La forme est nouvelle et plaît bien à Eulalie.
À l’intérieur, Eulalie assemble les mobiliers. Magdelaine lui fournit une partie des meubles venant de sa famille, stockés dans les galetas du mas du foity et aussi des « Grands plans ». Beaucoup de meubles anciens, d’art Roman : armoires, coffres, bancs à dossier etc. … Toutes ces merveilles rassemblées, remises en état, sont cirées et disposées dans les pièces de leur maison.
Il manque encore pas mal de meubles, les pièces sont grandes. Ils se rendent donc à Pont-de-Beauvoisin en passant par St. Etienne de St. Geoirs, pour choisir et commander ces meubles. Ces deux grandes bourgades ont pris une notoriété d’ébénisterie. Le mobilier est à compléter, surtout pour les chambres et leur cabinet de toilette. L’architecte leur ayant indiqué les nouveautés qu’il fallait acquérir, ces ébénistes ont mis en fabrication ces meubles. La maison prend une âme.
Pour Noël 1354, au grand regret de Jacques elle n’est pas finie d’installer. Les plantations ne sont pas terminées. On ne pourra pas pendre la crémaillère pour cette fête, comme le couple l’avait souhaité et désiré.
Le cadre du mas des Troya, servira à honorer cette fête, comme depuis toujours.
Renaud se sentant seul, demande à Anne de venir l’aider à l’atelier du « Saut de l’aigue ». Elle s’occupera des relations avec les acheteurs. Tout ce travail dégagera Renaud, qui l’assurait du temps de son père. Anne accepte, trouvant aussi deux avantages. Le premier : elle est moins seule, plus occupée, elle retourne et retourne moins dans sa tête, les moments difficiles de la perte de son enfant. La deuxième : elle est auprès de Thérèse, venue s’installer dans la maison de sa jeunesse, voisine de l’atelier.
Anne va souvent la voir, comme toutes les femmes, elles parlent. Cette distraction parmi d’autres vont entretenir l’esprit d’Anne ailleurs, cette distraction la sauvera sûrement d’une maladie bien plus grave, la « déprime ».
Le résultat est très bénéfique pour les deux. Thérèse a choisi de venir là, car dans la maison du bourg, trop de souvenirs la relient à Oscar ; en plus elle libère l’ensemble de la maison du village aux deux jeunes gens, qu’elle veut laisser le plus possible en tête à tête.
Dès le printemps 1355, de nombreuses commandes affluent chez Renaud. Le comte de Provence aimerait le rencontrer, il s’est toujours fait tirer l’oreille, car en Avignon où le brassage des populations est important en raison de la Papauté, des foyers de peste restent un peu endémiques. Des cas encore isolés se sont déclarés à Avignon. Tout le monde redoute l’épidémie, l’ayant durement touchée, dès le début de l’année 1347, sous sa forme pandémique.
Est-ce, ce tête à tête orchestré par Thérèse, ou, n’est-ce pas plus simplement, la reprise en main de sa vie : Anne est de nouveau enceinte.
Toute la famille est heureuse de cette nouvelle, surtout son père Pierre, qui, semble-t-il, se fait beaucoup de souci pour sa fille occupant dans son cœur une place à part, ceci sans n’en dire rien à personne.
À l’annonce de cette nouvelle, Renaud est tellement heureux, qu’il finit par accepter l’invitation du comte de Provence à Aix. Il fixe la rencontre pour avant l’accouchement d’Anne, soit au mois de juin 1355, pour le grand charivari, organisé en Aix à l’occasion des fêtes de la ville, notamment la St. Sauveur, patron de la cathédrale d’Aix, et du même coup de la ville.
Quand Renaud rentre de ces fêtes, d’une durée de quatre jours, il est envahi par le souvenir de tout ce qu’il a vu. Il est vrai que le comte a raison. Aix est vraiment le centre des rencontres de toutes les tendances artistiques ou intellectuelles. C’est vrai que les universités présentes, dispensant le savoir, y sont pour quelque chose.
Lors des charivaris auxquels on lui recommande d’assister, il va rencontrer bien des gens du peuple. L’opposé des gens chez qui il est reçu ; il va côtoyer toutes sortes de styles, venant des quatre coins de la planète, il va trouver une inspiration encore plus nouvelle que celle déjà novatrice développée dans ses ateliers. Pendant plus d’un mois, les créations pleuvent. Il utilise de plus en plus la peausserie pour la confection des vêtements.
Absorbé par cette effervescence, il ne voit pas les mois passer, ses créations se vendent de mieux en mieux et de partout dans les régions voisines.
Anne approche du terme de sa grossesse, elle s’est bien ménagée pour éviter une malencontreuse et nouvelle fausse couche.
Le matin du 20 décembre 1355 Anne ressent les premières douleurs.
L’enfant qui vient au monde est une fille, accouchée par la même sage femme que Jacpy.
Tout s’est bien passé. Renaud souhaitait un garçon, mais il est très heureux de sa fille, comme l’est le reste de la famille.
Noël tout proche, va être enchanteur pour deux raisons.
Noël se fêtera chez Jacques et Eulalie, à la maison des « Quatre chemins », en même temps que le baptême d’Odile. Ce n’est pas la cérémonie du baptême, faite à l’église de Quinsivet dès le 21, mais le repas de baptême.
Les Troya et les Gilot ont mis les petits plats dans les grands. Pensez donc, un Noël, un baptême et une crémaillère. Trois raisons majeures de faire les choses en grand.
Les grandes pièces et les nouveaux mobiliers de la maison, vont servir pour la première fois à l’occasion d’une magistrale réception.
Dans le cœur de Jacques et d’Eulalie, c’est aussi pour eux et sans le dire, le repas de noces, qu’ils n’ont pas eu. Mais ils reconnaissent avoir été bien récompensés.
Tous les amis sont là, le marquis, le comte, les Saint Jay, tous accompagnés de leurs épouses, les inévitables Boissieux et bien d’autres. Renaud et d’Anne, qui ont pu se faire de bien belles connaissances par leur activité Provençale, de nombreuses personnes, amis ou connaissances ont fait le déplacement.
Beaucoup sont venus pour témoigner par leur présence la sincérité de leurs amitiés, rétablies ou créées après le voyage de Renaud en Aix.
Une belle et grande fête où rien ne va manquer.
Des feux du Bengale, posés sur les marches du jardin et autour du bassin, font de leurs lueurs, reflétées par le miroir de l’eau, l’embrasement des façades de cette superbe maison.
Ses reliefs sont mis en valeur, par les lumières des torches, des lampes et maintenant par les feux du Bengale.
Pierre a fait comme cadeau à Eulalie et Jacques, une horloge « Comtoise » à poids et balancier, mise au point en France depuis peu dans cette région. Elle donne l’heure à la minute près. Pierre a vu ces horloges, lors de la promenade dans les rues d’Avignon, recommandée par son neveu le jour de sa rencontre avec le Pape.
L’horloge fabriquée dans une de ces échoppes, a été amenée par le relais-poste depuis Avignon, où le neveu, a passé commande à la demande de Pierre.
Neveu présent aussi avec sa promise.
L’horloge fut l’attraction de la fête, car toutes les heures elle sonne, le nombre de fois s’y rapportant, plus la demi-heure.
Eulalie l’a faite installer au grand salon, dans son coffre de noyer incrusté sur la porte du balancier avec des nacres et de l’ébène, salon, où une bonne partie de la soirée a été passée à rire et à jouer.
Hôtes et invités, garderont et emporteront avec eux, le souvenir inoubliable de cette fête, qi s’est déroulée devant la vue imprenable sur la plaine, les coteaux, tout le Vercors et même la Chartreuse. Un véritable belvédère depuis cette estrade dominante.
Si ce n’était le froid tous passeraient la nuit dehors. La nature blanchie par le givre étincelle et pétille sous les rayons de lune, comme les bulles du champagne que l’on boit. La maison ceinte par la voûte étoilée et la voie Lactée d’Hercule à Persée, devient l’écharpe de Psyché, posée aux épaules d’Orion et des sept filles d’Atlas. Filles comme étendues sur les crêts des montagnes du fond, en attentes du sacrifice final, infligé par l’aube naissante à ce magnifique cadre. Une vue unique n’ayant d’égal que la beauté de ces montagnes, inspirant à ceux sachant le voir et le ressentir, une émotion rarissime.
Depuis cette fête, les ans se sont suivis, répétitifs comme ils peuvent l’être à la campagne. Trois années, que tous, ont ajoutés à leur vie.
Chez les Troya, Pierre s’est un peu voûté, il perd un peu de sa verdeur et surtout de sa résistance, il se fatigue bien plus vite. C’est vrai qu’il a soixante trois ans, pour l’époque c’est bien, même très bien.
Magdelaine excellant dans son rôle de grand-mère, a pris bien des cheveux blancs. Leurs petits enfants Jacpy et Odile, ont poussé comme des champignons, ils trottent quand ils sont ensembles dans les allées du jardin, où les arbres et arbustes ont aussi bien poussés depuis trois ans. Eulalie règne sur l’ensemble où rien ne lui échappe. Elle va annoncer aujourd’hui à Jacques, qu’elle sera maman dans huit mois, comme ils le désirent tous les deux, c’est une grande joie pour ce couple vivant d’amour, dans l’amour.
Jean a fini ses examens, il vient d’avoir ses vingt-quatre ans, son père souhaiterait lui voir prendre une épouse, pour de nombreuses raisons que son âge lui rappelle.
Jusque-là, Jean ne pensait qu’à étudier. Il vient de passer ces deux dernières années, entre le mas et les frères Dominicains de Grenoble d’où il vient de terminer ses études. Comme sont frère, elles ont été basées sur les Arts Libéraux, représentant toutes les disciplines de la rhétorique à l’arithmétique et les sciences naturelles. Ses amourettes avec Eugénie de Saint Jay, sont un peu restées sans suite par l’éloignement de ses études à Grenoble ou il loge en confrérie chez les Dominicains. C’est une obligation.
Il n’en reste pas moins toujours attiré par elle. Eugénie est restée sur place, avec les mêmes idées. Jean lui plaît.
Clément, son père, est plus âgé que Pierre de deux ans ; il a atteint les soixante cinq ans. La différence est celle d’un homme ayant vécu sans trop d’efforts, à celui qui au contraire n’a cessé d’être en activité.
Ce qui doit arriver, arrive, comme l’on dit, sans pour autant être fataliste.
Un après midi de fin juillet, Clément ne quittant plus son cheval pour se déplacer, se rend sur un champ où se déroulent des moissons.
Le cheval, déjà énervé par le temps lourd et orageux, est piqué par un taon, le faisant se cabrer soudainement avec un grand écart sur la droite, désarçonnant Clément, moins leste qu’il y a quelques années.
La chute est terrible, tombant lourdement sur le sol, la tête repliée en arrière. La nuque est brisée nette. Clément est mort sur le coup.
Son métayer et ses fermiers accourent, mais trop tard, il n’y a rien d’autre à faire que de relever le corps sans vie, de le transporter sur la charrette jusqu’au manoir.
Laurence et sa fille Eugénie, s’effondrent littéralement, presque incapables de comprendre ou de réaliser ce qui vient de se passer.
François, le serviteur de la maison depuis toujours, ne sait plus quoi faire. Il dit à un commis étant toujours là disponible :
· Va chez les Troya, annonce le drame. Demande à madame Magdelaine si elle veut bien venir, c’est la seule femme des lieues à la ronde.
Il court au mas, arrive tout essoufflé, ne pouvant presque plus parler. Il parvient quand même à expliquer le drame. Magdelaine et Pierre n’en reviennent pas.
· Clément mort ?
· Et oui madame.
· Je dis à Henri de te conduire de suite, dit Pierre.
· Oui, le temps de me préparer et nous partons.
Henri est prêt, avec Bijou, eux aussi prennent de l’âge.
Ils emmènent Magdelaine et Jean, Jean voulant rejoindre Eugénie pour cette véritable catastrophe.
François pendant ce temps a alerté le chanoine Caillat au presbytère de l’église, accourant aussitôt pour lui donner la dernière bénédiction et l’extrême-onction.
Il envoie un messager avertir leur fils Antoine, se trouvant comme presque tout le temps, à sa garçonnière de Romans.
Le prêtre, sort des armoires de la sacristie, les ornements noir et argent pour l’entrée du manoir. Demande à François de prendre la calèche, d’aller jusqu’au village chercher deux sœurs afin de préparer le défunt.
Jean, trouve Eugénie, se jetant en larmes dans ses bras la tête sur son épaule. Jean caresse ses cheveux en essayant de la consoler. Laurence est comme prostrée, assise sur le banc tapissé de la pièce à vivre. Elle ne comprend pas.
Les tentures aux initiales du défunt sont accrochées à l’entrée du manoir.
Une veillée funèbre est organisée par la famille et le chanoine. Le corps sera exposé pendant deux jours, dans la grande entrée du manoir où un catafalque est dressé, entouré de cierges sur des grands bougeoirs dorés.
Tous les amis, de la région, se sont répartis un créneau horaire, afin d’être présents avec la famille du défunt ou son représentant.
Le cercueil est transporté à l’église de Quinsivet où la messe des morts, officialisée par le vicaire général et un abbé, est dite et chantée avec toutes les sœurs de Murinais.
À la demande de la famille, le cercueil est porté sur la centaine de mètres séparant le manoir de l’église et du cimetière, par le Marquis de la Porte, le comte de Murinais, Pierre et Jacques des Troya.
Il repose aujourd’hui avec ses aïeuls et aïeux voire ancêtres, au sein de la tombe familiale, dont le nom du créateur de ce tombeau n’est pas Saint Jay, mais Sainte-Jaye, (prononcer Sainte-Jaille), pourquoi cette différence ?
Bien plus tard, à la lecture du testament de Dame Anne de Vachon de Belmont, épouse de noble Charles Antoine de Fassion, Antoine, épouse peu de temps après son veuvage, une autre Anne, celle-ci ex femme de Jean Détroyat du manoir de Sainte-Jaye, ou Saint Jay de nos jours.
Anne Vachon, Anne Détroyat, Jacques dit Jacolin, et son fils Jacques, Sergent Royal de Varacieux, se trouvent former la même famille sans pour autant aider à éclaircir les choses, dont plusieurs notaires sont les témoins officiants des contrats des mariages rédigés pour chaque union, ou esquisse d’union. (Voir les sources). Il en ressort en résumé, que tous ces cousins vont hériter du seul dit illettré de ce moment chez les Des Troyat, en la personne de Sire Georges, fils de Jaques Sergent Royal de Varacieux. Quant à Georges, nous le retrouvons Maître tailleur d’habits à Grenoble où il va fonder une lignée. Pour cela nous devrons rejoindre le début du 17ième siècle.
Une question se pose : D’où vient la fortune de Georges ?
Georges, quoique dit illettré, ne fait pas moins preuve d’une grande intelligence, fils de Jacques Detroyat du Foity Sergent Royal de Varacieux il tient de son père des sommes importantes de Pierre fondateur du Foity, auxquelles il va ajouter par donations ou héritages, la fortune de ces deux cousines, Jeanne et Dimanche Fassion restées célibataires. Pour un montant de 200 livres, son cousin Maître Botut notaire, (maintenant de la famille), lui donne une part de 240 livres, ajoutant par sa façon d’agir, de trouver la presque totalité de la dot d’Urbane Cournier femme de Jacques son oncle, pour une somme d’environ 500 livres. De ses sœurs, il va recevoir la presque totalité des 355 livres constituées par elles pour les dots des contrats des mariages qui n’auront pas lieux ; puis comme frère de l’épouse, encore diverses sommes ou meubles. Anne et Françoise sont alors à Grenoble chez Georges où il réside. Il reçoit ce jour là, pratiquement 2200 livres, plus l’héritage du foity ; en ce temps une vraie fortune qui attirera bien des prétendantes à le marier.
Pas si bête, il épousera Isabeau Détroyat, une cousine veuve d’Aymé Saliquet, gantier comme lui à Grenoble, gonflant d’autant ses avoirs du côté gants. Ils n’auront pas d’enfants connus ensemble, car Aymé Saliquet est décédé, son frère Claude, aura un fils François Saliquet en 1691 au deuxième lit de ce couple remarié avec Isabeau Fournier. Il est clair que tous les avoirs doivent aller à l’héritier choisi : Georges Détroyat, de même que tous les titres nobiliaires. En épousant sa cousine Isabeau Detroyat, il fait entrer de nouveau tous les avoirs de Troya, chez les Des Troya ou Detroyat. … Bien vu, non ? … Pourquoi ce choix ? Personne n’est aujourd’hui capable de le dire, puisque à mon avis il s’agit d’une affection particulière, laquelle ?
Compliquée et simple à la fois : La femme de Georges Détroyat, frère de Jacques dit Jacolin né en 1665 et de Jacques Détroyat né en 1652, se trouve avec le même prénom des fils de Jacques Détroyat Sergent Royal de Varacieux, dont un Georges, qui hérite le 06 juin 1694 comme héritier universel, les titres et les biens de George Fassion Seigneur de Sainte-Jaye (ou Saint Jay), de Brion, de Roybon et Quincieu, habitants tous à Varacieux ou Quinsivet. La séparation entre Anne de Vachon de Belmont et Charles Antoine de Fassion, sera très douloureuse, il n’empêche que peu de temps après, Antoine de Fassion (ou Fassioni), épousera une autre Anne, mais cette fois une De Troyat. Ma lignée, mais pas seulement, descend de ce rameau.
IL faut c’est évident, redescendre très loin, pour retrouver le seul lien entre une inscription funéraire, et son origine. Pas facile en effet !
Mais elle se trouve, voici qui est fait.
Pendant cette douloureuse période, Jean est venu presque tous les jours, rendre visite aux deux femmes. Quant au fils, dès les obsèques de son père terminées, il a de nouveau disparu du manoir pour Romans. La grande vie qu’il mène en ville, lui plait plus que de résoudre les problèmes rencontrés par sa mère et sa sœur.
Connaissant ces conditions depuis longtemps, à son grand désespoir, Laurence n’attend pas grand-chose de son fils Antoine. Son père aujourd’hui disparu, a tout essayé pour le ramener vers une vie plus saine et surtout d’héritier des Saint Jay, mais rien n’y a fait. Clément, de son vivant, en avait également pris son parti.
Un jour où Jean rend visite à Eugénie, Laurence demande à Jean, de bien vouloir dire à Jacques, de venir dès qu’il le peut. Elle a des conseils à lui demander.
Clément, portait Jacques haut dans son estime depuis bien des années, en tous cas depuis l’exploitation en commun des bois de châtaignier, ce fait le conditionnait d’avoir à se rendre au manoir.
Son frère Jean le lui transmet dès le soir, lors de son passage au bureau.
Le lendemain matin, Jacques place en troisième position de ses visites, celle à faire à Laurence. Se rend au manoir vers les dix heures du matin. Jacques est immédiatement introduit par François.
Laurence le fait entrer dans le boudoir où Clément l’a reçu, le jour où il est venu de la part de son père le rencontrer. Laurence le fait s’asseoir et lui demande :
· Jacques vous le savez, feu mon mari et moi-même, avons toujours pensé depuis que nous vous connaissons, que vous faites partie des personnes à qui l’on peut demander conseil … Je suis en ce moment bien dans le vague. Antoine ne veut s’occuper de rien, alors que ce devrait être son rôle … Je ne sais pas quoi faire … Nous voici au cœur de l’été, dans quelques semaines il va falloir reconduire comme le veut les traditions, la métairie à Charles, l’actuel métayer … C’est un homme de terre mais il ne peut pas tenir les livres de comptes, toujours tenus par Clément … Je ne connais rien à ces problèmes, que pensez-vous qu’il soit bon de faire ? … Pouvez-vous, vous en occuper ?
· Comme cela de but en blanc, je ne sais trop quoi vous répondre … Il faut que je réfléchisse un peu. Mais au premier abord, je pense qu’il y a deux possibilités : Suivant ce que vous voulez et surtout pouvez faire … La première idée me traversant l’esprit, est celle d’en parler à mon cousin des Troya doz, étant un peu en trop chez son père, notre fermier … Je sais qu’il m’a confié un jour, son intention de trouver un emploi de responsabilité, dans le métier qu’il connaît bien, celui de la terre … Il pourra se charger des écritures et donner à Charles les ordres, si vous tenez à garder Charles ce que je ne sais pas … Vous pouvez y penser … Et puis la deuxième, est celle de mon frère Jean, il vient de terminer ses études … En matière agricole il est comme moi, très averti. Seulement c’est sûr, il ne voudra pas accepter le même poste que notre cousin. … Jean prendra la place s’il le veut, seulement comme marchand du domaine de Quinsivet. … Vous connaissez le principe, ce n’est pas juridiquement les mêmes accords.
· Jacques ce que vous venez de me dire est très intéressant et a au moins le mérite, d’être des solutions … Evidemment il faut en parler aux intéressés possibles, moi en parler à Antoine détenant depuis la mort de son père la pleine jouissance de la propriété.
· C’est exact madame Laurence … C’est un des problèmes … Il faut qu’il choisisse, entre la responsabilité des terres, en passant par un métayer capable, ou de renoncer à son autorité contre une rente de celui devenant marchand du domaine et des bâtiments à définir en même temps que l’aval du marquis de La Porte.
· Oui … Tout ça est exact, je vais commencer par mon fils. … Ecoutez Jacques je vais lui écrire, le faire venir pour en parler. Je lui dirais vos idées pour lui permettre de penser aux deux solutions. Mais avant, il me faut l’accord, soit de Jean, soit de votre cousin, même pour un accord de principe. Et après je verrai le Marquis. … Ai-je bien compris Jacques ?
· Absolument … Jean va sûrement venir, comme chaque jour depuis le décès de Clément … Posez lui la question … Si je le vois avant vous, je le mettrai au courant … Il me faut vous laisser, j’ai encore beaucoup à faire … Au revoir et à bientôt chère madame.
Jacques reprend l’ordre de ses visites en cours, toujours très nombreuses, car les moissons et les cueillettes ne sont pas encore terminées.
Il lui faut aussi organiser les battages comme chaque année.
Jean vient de plus en plus chez Laurence et Eugénie particulièrement attaché à cette fille. Eugénie le lui rend bien. Elle sent en lui l’homme manquant maintenant chez elle. Cependant ni l’un ni l’autre, ont eu un mot laissant penser à une union possible. Ils se courtisent, c’est vrai, mais Jean n’ose pas parler d’union avec Eugénie de Saint Jay, elle noble, lui pouvant obtenir le titre, mais ne le voulant pas par convictions familiales.
Ce matin là, Laurence va être sans le savoir, le détonateur de leur futur. Elle pose à Jean la question mise au point par Jacques.
Jean est un peu interdit, il n’a vu personne pour le mettre au courant. Laurence lui explique en détails les projets ébauchés avec Jacques.
· Qu’en dites-vous Jean ?
· Me voilà bien stupéfait … Mais une question m’apparaît comme importante : Qu’en pense Antoine ?
· Antoine à qui j’ai écrit, pour l’informer et lui dire de venir pour en parler, c’est contenté de me répondre par lettre ce que j’ai ici sous les yeux. … Que ces sujets ne l’intéressent pas du tout, qu’il désire seulement garder le manoir. … Pour ses besoins : il veut toucher une rente en contrepartie … Il me charge d’exécuter ses désirs et de les faire correspondre à nos propres besoins … Il sous-entend avec moi, sa sœur.
Jean est très étonné de l’attitude d’Antoine. Une telle décision, n’aurait même pas effleurée l’idée d’un Troya. Cette proposition le libère un peu de la position qu’il s’était obligé de tenir. Seulement tous les acteurs de ces scènes de la vie présente, ne savaient pas tout de la vie d’Antoine. Devant si peu de noblesse, Jean pense être beaucoup plus libre et ajoute :
· Chère madame … je vous demande un temps de réflexion … C’est en effet pas si simple qu’il n’y parait.
· D’accord Jean … mais supprimez madame, dites moi simplement, Laurence, vous nous avez tant soutenues pendant cette période, vous le pouvez bien.
· Vous m’en voyez touché…. Eugénie veux-tu venir avec moi faire un tour dans le jardin ?
· Bien sûr Jean !
Tous les deux sortent. Abandonnant au boudoir Laurence, se posant les questions : Pourquoi sortir avec ma fille pour répondre ? Ou alors, au contraire, est-ce que je pense bien ?
Jean et Eugénie sont dans les allées du petit jardin bordant la cour, ce jardin sépare aussi l’église et la cure entre le manoir.
· Eugénie … Voici plusieurs années que je n’ose vous poser cette question … Avez-vous, en plus de l’amitié, un autre sentiment à mon égard ?
Il utilise le vous. Eugénie pâlit un peu. Sa lèvre inférieure tremblote jusqu’au menton. Elle a bien compris, mais elle transforme sa réponse en question :
· Que voulez-vous dire par là ?
· Et bien Eugénie cela veut dire, que je vous aime depuis toujours, en tous cas, sûrement depuis le mariage de ma sœur Anne … Avez-vous les mêmes sentiments ?
· Ô que oui, Jean … Depuis autant que vous, j’attends ce jour … Je me demandais si vous vous décideriez, ou si vous pensiez à moi, seulement comme une amie.
Leurs mains se sont saisies, alors que l’allée arrive sous une tonnelle de vignes entourée de charmilles. Eugénie marque un arrêt, Jean la prend dans ses bras. Ce n’est pas le petit baiser échangé dans les couloirs du mas, mais le vrai baiser d’un couple que l’amour fait se trouver.
Encore tout ému et bouleversé, le couple retourne au boudoir où est encore Laurence. Elle voit sur le visage de sa fille, comme une lueur qu’elle n’a pas encore eu l’occasion de remarquer.
· Que se passe-t-il Eugénie ?
· Rien de grave mère, bien au contraire.
· Oui madame … nous venons, Eugénie et moi, de nous rendre vraiment compte des sentiments nous animant l’un envers l’autre … Le problème posé par la situation et la réponse que je dois vous faire, m’amène à vous répondre par une autre question : Voulez-vous m’accorder la main d’Eugénie votre fille ? … Nous, nous aimons depuis très longtemps en silence.
Laurence, c’est bien aperçue depuis des années, que sa fille vivait pour Jean, des sentiments autres, que ceux inspirés seulement par une grande camaraderie. Mais elle n’a pas voulu pénétrer dans le jardin secret de sa fille. Malgré tout, elle est un peu surprise par la déclaration qu’elle n’imaginait pas une heure auparavant.
Un peu embarrassée, elle dit à Jean :
· Si c’est l’idée d’Eugénie, si elle ne le fait pas par contrainte de la situation.
· Non, non, mère, ne croyez pas ça.
· Alors dans ce cas … Je dois remplacer Clément ne pouvant plus tenir ce rôle … Pourtant il l’aurait comblé d’allégresse, car il vous estimait beaucoup. J’ai donc à sa place le bonheur d’avoir à vous répondre : … Oui … je vous l’accorde.
La nouvelle donne venant d’être faite, n’est pas sans entraîner des situations différentes de celles initialement pensées.
Jean va devenir un héritier des Saint Jay par son mariage. Il faut bien dire que pas grand monde s’attendait à cela. À part peut-être Thérèse, qui a eu un don divinatoire le jour du mariage d’Anne.
La nouvelle rapportée au mas des Troya par Jean, fit l’effet d’un coup de canon, encore que son père, lui aussi, ait pressenti un tel aboutissement.
Pierre, Jacques et Jean se réunissent, pour envisager cette nouvelle donne. Toute la ferme de Quinsivet, va se retrouver dans l’ensemble des terres à gérer, avec les hommes et les bêtes en plus.
Le père et les deux frères, décident de prévoir un plan, devant être appliqué dès le premier novembre, date requise pour les transactions des fermages.
Dans un premier temps, il convient d’organiser le mariage, Jean le souhaitant être au plus tôt. En même temps il faut obtenir une confirmation notariée des positions du fils de Clément.
Sa mère a bien sa lettre, mais ils la jugent insuffisante, juridiquement parlant. Ceci, non pas pour annexer le domaine, dont ils n’ont que faire, mais pour assurer l’avenir d’Eugénie, de sa mère et bien sûr de Jean.
Antoine se réservant le manoir, où vont habiter Laurence et le nouveau couple ?
À toutes ces questions, Jean doit trouver les réponses.
Ce fut fait dans le mois suivant.
Le notaire fait un acte, qu’Antoine signe contre une rente fixe. Il y est entendu que Laurence et le jeune couple, logeront au manoir jusqu’au décès de Laurence, celle-ci gardant les revenus des placements. Jean assurant la maintenance et l’entretien du manoir à concurrence de la moitié des frais, l’autre moitié à la charge d’Antoine. Les revenus de la ferme sont tous accordés à Jean et Eugénie ayant la charge de servir la rente d’Antoine.
Un bon arrangement de maître Rival qu’il mit sur pied, pour ne léser ni favoriser personne.
Le mariage est organisé au manoir le 15 octobre 1358. En raison du peu de temps écoulé depuis le décès de Clément, le mariage a lieu en famille et entre amis. Sans faste. La situation l’imposant à tous.
Le seul regret de Laurence est le refus de son fils de ne pas vouloir se déranger pour le mariage de sa sœur. Là aussi nous ne savons pas tout. Elle a malheureusement appris que sa santé, est très compromise par les orgies auxquelles il participe en permanence à Romans et à Valence, l’argent lui glissant entre les doigts.
Dès les jours suivants le mariage, Jean est allé à la ferme de Quinsivet rendre visite à Charles le métayer afin d’entendre ce qu’il désirait faire.
Charles qui jusque là, et ce depuis des années, fait ce qu’il veut ou presque, n’entend pas que cela change.
Il se méprend un peu sur les propositions de Jean, qu’il voit comme beaucoup trop instruit, pour gérer seulement une ferme.
Quelques jours après, il annonce à Jean, qu’il a l’intention de partir et de laisser les lieux vides pour le premier novembre au matin. En disant cela Charles pensait se servir, comme d’un levier sur Jean, le mettant en difficulté avec toute la ferme, à seulement douze jours de la Toussaint.
Dans ces conditions pense-t-il, Jean doit revoir sa position et me garder ainsi que ma famille. Mauvais calcul s’il en est ; de plus, le dernier en ce qui concerne la ferme de Quinsivet. Jean accepte la proposition en lui disant :
· Comme il reste peu de temps d’ici à Toussaint, je vous accorde une semaine de plus si vous le désirez, en fonction des services rendus à Quinsivet.
Les deux commis restent engagés sur place, Jean charge le plus ancien de veiller sur le bétail, les bœufs et autres animaux pendant la transition.
Le fils d’Etienne de doz, Joseph, est avisé par Jean, qu’il a à se préparer pour prendre le rôle de métayer à Quinsivet.
Sur le conseil de Jean, Joseph en profite pour refaire l’habitation, n’ayant pas vu une couche de chaux ou de badigeon depuis bien longtemps. Ce n’est pas un luxe.
Jean marié à Eugénie habite au manoir avec belle-maman.
Jacques habite sa nouvelle maison et gère avec son père le domaine des Troya, composé jusque là de trois fermes.
Par le mariage de Jean et les accords notariaux, c’est une quatrième se joignant au groupe. L’ensemble atteint 24 lieues par 12 environ, représentant 5400 stéraies ou 1800 ha. Jean ayant demandé à son frère de coordonner les moyens et les hommes.
En effet ses projets ne sont pas ceux de la terre et cela depuis toujours. En ajoutant cette responsabilité à Jacques, il ménage ses arrières au cas d’une opportunité lui plaisant, mais surtout pour obtenir un bon résultat de l’ensemble.
C’est certainement le meilleur choix, son frère étant homme d’expérience.
La machine lancée, va ronronner des années et des années à la suite.
Nous voici en l’an de grâce 1361.
Pour cette année correspondant à un centenaire de diverses fondations, les fêtes d’Aix vont être remarquables, on en parle de partout. Renaud commerce toujours avec la ville et la région.
Il est de nouveau invité avec Anne par le comte de Provence, pour y participer et se joindre à eux. Les deux acceptent de se rendre à Aix pour juin 1361. Six ans se sont écoulés depuis le premier charivari, auquel Renaud avait pris part. C’est pour eux le moment d’en profiter une bonne fois, car ils sont maintenant d’âge mûr et les farandoles essoufflantes, le deviennent un peu trop pour eux.
Dans cet état d’esprit Renaud et Anne se rendent à Aix avec la résolution d’apprécier tous les deux et de bien s’amuser. Il faut dire qu’ils l’ont bien mérité, si l’on juge du travail réalisé pendant le même temps.
Les voilà rendus à Aix, à la très grande maison du comte se trouvant en pleine ville.