La saga des troya - Saison 3 - Chapitre 13
Pour le jour du centenaire un grand charivari est organisé place des palais. Des troubadours et ménestrels regroupés de toute la province, jouent les farandoles sur chaque place. L’allégresse est si importante que les rues entre les places, servent de pistes de danses, mais aussi vont permettre de faire déplacer les charivaris regroupant des centaines de personnes.
Anne et Renaud, le comte et la comtesse, exceptionnellement inclus incognito dans la danse, y participent. Anne est entre le comte et Renaud, la comtesse lui donne une main, à l’autre main un inconnu, de condition modeste, mais c’est la raison même du charivari. Donner au petit peuple la possibilité de s’amuser en faisant ce qu’il veut. Tout est permis ou presque.
Pendant cette course effrénée, un homme de la trentaine environ, portant un col en peau découpée en étoile, apanage de certaines professions, saute du bord de la rue et coupe la farandole entre Renaud et Anne la trouvant à son goût.
C’est vrai qu’Anne est toujours aussi belle, voire plus, car les maternités, ont ajouté la beauté de l’âge mûr. Une autre fille, un peu plus loin, voyant deux hommes se donner la main, pénètre dans la chaîne entre les deux.
Légèrement écarté du comte et de la comtesse, Anne et Renaud peuvent quand même s’amuser et rire avec eux.
Le charivari, entraîné par un solide gaillard, s’enfile dans la monté des échoppes, une rue très commerçante le jour et assez en pente.
Au bout d’un moment, tous autant qu’ils sont commencent à crier grâce, mais le jeu est de tenir sans rompre la file, tout le monde s’essouffle, mais ne lâche pas prise.
D’un coup, le garçon venu prendre la main d’Anne et de Renaud dans un premier temps, s’affale sur ses genoux entraînant Anne hors du charivari, Renaud lâche les mains qu’il tient pour secourir Anne, mais aussi le jeune homme, allongé par terre, se tenant le ventre de ses mains.
Renaud ayant relevé Anne, s’approche du garçon pour l’aider, le pauvre se met à vomir des glaires brunes et noirâtres. Le temps que le comte et la comtesse s’aperçoivent de ce qui vient de se passer, la scène a eu lieu. Les mains de Renaud sont couvertes des vomissures du jeune homme.
Le comte connaissant bien le symptôme s’écria :
· Ne le touchez plus c’est la peste !
Cette maladie est restée endémique entre Avignon et Aix, des cas sont toujours recensés. Cas, ne déclenchant une épidémie meurtrière, mais viennent à bout de ceux la contractant, surtout du sexe masculin. On sait aujourd’hui que les femmes sont moins atteintes que les hommes par la peste bubonique et pulmonaire. La femme créant plus d’anticorps contre le bacille de Yersin. Pourquoi ?
Nous ne le savons toujours pas.
Anne aux mots du comte, se précipite vers Renaud afin de lui quitter sa tunique dont les manches sont souillées, la pose sur le malheureux toujours au sol grelottant, toussant, maintenant crachant du sang.
La farandole s’est comme dissoute d’un coup, à la vue du pauvre homme. Le comte frappe à une porte qu’il connaît. Vu l’heure tardive un homme ouvre la fenêtre :
· Qu’est ce que c’est ? Que voulez-vous ?
· Excusez moi d’être inconvenant docteur, je suis le comte de Provence, il y a au sol, un homme dont il faut s’occuper. Je pense que c’est un cas de peste noire.
Au nom de comte, qu’il a fini par reconnaître, il repousse la fenêtre en disant :
· Je descends.
Le médecin ouvre la porte de l’allée, s’approche du malade, donne un coup d’œil général, en disant :
· Pas de doute, c’est bien un cas de peste … Qui a été en contact direct avec lui ?
· Moi dit Anne et mon mari, s’étant porté à son secours.
· Je vais faire transporter le malade à l’hôtel Dieu. … Vous deux suivez moi, je dois vous donner les premiers soins.
Il recommande au comte de bien se surveiller, qu’au moindre malaise il consulte un confrère ou lui-même, car il peut être contaminé par l’air respiré.
· Merci pour tout … J’enverrai dès demain matin mon majordome vous régler, dit le comte.
La fête est gâchée pour le reste de la soirée. Les quatre amis rejoignent bien dépités et inquiets la demeure du comte.
Le lendemain, Renaud et Anne rentrent chez eux.
Quelques jours se passent normalement, tout semble oublié, quand un matin, Renaud se sent mal à l’aise, des nausées, des douleurs abdominales, des toux.
Anne envoie chercher le médecin de St.Marcellin. Il arrive dans la demi-heure qui suit. Ausculte Renaud dans les moindres détails et conclue :
· Le traitement que vous avez fait tous les deux, a permis à Renaud de tenir jusqu’à aujourd’hui. Mais je crains qu’il en soit fini.
Néanmoins le médecin demande la fermeture pour une durée qu’il définira, de tous les ateliers, les employés devant rester chez eux sous contrôle médical.
Leur fille a été confiée à Eulalie aux « Quatre chemins » où l’air pur ne manque pas.
Dans la nuit du 20 juin 1361, Renaud s’éteint emporté par son mal.
Anne qui ne peut s’en remettre, décide d’aller pour le moment chez Thérèse. Les deux femmes inconsolables, doivent attendre plusieurs semaines pour aller et venir.
Anne se trouve confrontée d’un coup à l’ensemble des ateliers.
Elle va se battre pour la mémoire de Renaud et essaye de tenir de partout. C’est trop pour une seule femme. Après un an de lutte, fatiguée, lasse de cette situation sans espérance, elle décide d’aller voir son père au mas des Troya.
Magdelaine, qui elle aussi devient âgée, fait ce qu’elle peut.
Le père écoute sa fille lui décrire la situation dans laquelle elle se démène. Pierre en conclue, qu’à part s’user et détruire sa santé, elle ne réussira rien d’autre. Son père lui conseille d’en parler à ses deux frères.
Henri est désigné pour aller chercher Jean au manoir. Ils attendent Jacques qui doit passer par ici d’un moment à l’autre.
Les quatre Troya de souche se réunissent au bureau et vont tenir un mini conseil de famille. Anne donne tous les renseignements demandés par ses frères.
Dans son coin, Jean, semble un peu absent. Au bout de quelques minutes de silence, Jean se lève de son siège, se dirige vers la fenêtre, puis il revient vers sa sœur. Le regardant avec stupéfaction manœuvrer dans la pièce, les deux mains croisées derrière le dos, puis se décide d’entrer dans la conversation :
· Anne … il me semble que l’occasion que j’attends depuis longtemps est enfin arrivée … Malheureusement pour toi dans de bien tristes conditions. Mais voilà … Si tu le désires et si tu le veux bien, je suis prêt à prendre la succession de Renaud, de gérer l’ensemble des tanneries, peausseries et ateliers. C’est un peu dans ce genre de responsabilités où je me vois réaliser ma vie. Que penses-tu d’une telle proposition ?
· Eh bien, pour tout dire, je suis très surprise. … Je vois, ne pas être la seule quand je regarde père et Jacques. Qui pouvait penser, qu’avec la situation que tu dois assumer maintenant, tu te décides à prendre ce nouveau départ ? … J’ajoute … si vraiment c’est ton idée, elle est pour moi inespérée … Mais une autre question, pendant que j’y suis : Que va penser ta femme de tout cela ?
· Cette nouvelle situation entrainée par ma décision me préoccupe beaucoup. … Mais après-tout, il suffit de lui poser la question pour avoir la réponse ! … Si elle n’est pas d’accord ou si cela risque de jeter un trouble dans mon ménage, j’abandonnerais l’idée, c’est tout.
Un silence s’établit. Pierre voit au travers de ses enfants, la prise en mains des responsabilités qu’ils doivent assumer les uns vis à vis des autres, en le remplissant de satisfactions.
Anne reprend :
· Voilà ce que je propose … Rentre chez toi … Discute de tes dispositions avec Eugénie et tiens moi au courant. … Pour moi, ta décision est inespérée.
Jean le premier arrivé chez lui, trouve sa femme et sa mère au boudoir. Elles parlent un peu de tout pour faire passer le temps. Ce temps pesant dans cette demeure où il ne se passe rien, sauf l’attente de on ne sait quoi.
Jean demande à Eugénie de bien vouloir le rejoindre dans leurs appartements. Qu’il veut lui parler d’une chose importante. Laurence n’est pas tellement surprise de cette demande, après le presque « enlèvement » de son gendre par Henri. Elle sent quelque chose mériter cette discussion.
Eugénie un peu curieuse questionne Jean de ce qu’il veut. Il lui narre en détails sa proposition, et ce qu’il vient d’apprendre, en ajoutant après une courte pose :
· Dès cet instant, par ta réponse, tu détiens notre avenir entre tes mains.
· Au premier reflex, je suis prête à te dire oui … Ce qui me modère, est ta mère … Que va-t-elle devenir seule dans cette grande … trop grande maison pour elle ?
Elle fait une pose à son tour … Puis reprend :
· Je crois Jean, que je dois agir comme tu viens de le faire pour moi, poser la question à ma mère … Jean … retournons au boudoir et parlons en ensemble … Le veux-tu ?
· Je le crois indispensable.
Le couple descend rejoindre Laurence.
Dès le départ de sa fille elle avait pris un tambour à broder pour se distraire. À leur vue, elle pose l’ouvrage sur la table. Laurence lit sur leur visage la gravité de la situation. Que se passe-t-il ? Pense-t-elle.
Sa fille vient s’asseoir à côté d’elle. Lui dit tout ou presque tout, de ce que Jean lui a rapporté.
· Qu’en pensez-vous mère ?
· Je ne sais pas trop … À mon âge envisager d’être seule n’est pas facile. … Mais toi Eugénie, que veux-tu faire ?
· Je veux faire ce que Jean désire, moi aussi je trouverai l’occupation qui me manque … Mais je ne veux pas te laisser seule. Nous savons qu’Antoine ne viendra plus ici.
· Ho ! Oui … Que trop, dit-elle, dans un soupir.
Jean, voit la détresse de sa belle-mère.
· Et si nous restions ici ensemble pour la plus grande partie du temps. Le « Saut de l’aigue » n’est pas si loin, cela nous permettra de mieux nous organiser là bas.
· Jean, c’est la meilleure solution ! S’écrie Eugénie.
· Oui mon gendre je suis d’accord.
Quelques jours sont nécessaires pour mettre au point avec Anne l’organisation dans les moindres détails de ces importantes décisions, qui vont devenir le socle de toute une branche familiale. Elle est aussi conquise par la solution de Jean, de rester au manoir pour le temps de voir venir les choses.
· Tu vois Jean, dit Anne après que Jean lui ait fait part des décisions, … Cette période aussi longue soit elle, va me permettre de mettre de l’ordre dans mes idées.
Nous sommes le 18 septembre 1362, Jean s’installe au fauteuil de maître des ateliers de chamoiserie Gilot, avec le nom de : Jean des Troya et Anne des Troya-Gilot.
Le frère et la sœur s’entendent à merveille, sont de plus en plus ensemble. Jean reste à midi avec elle et Thérèse, pour le repas.
Eugénie n’a pas eu pour le moment de changement dans sa vie et finit par le laisser échapper à Anne, se rendant compte qu’elle devient un peu une barrière entre le couple. Elle ne s’est jamais bien remise de la disparition de Renaud et veut disposer de plus de temps, pour s’occuper de sa fille, grandissant sans qu’elle s’en rende assez compte. Elle va avoir sept ans dans trois mois.
Au manoir des Saint Jay, quelques jours plus tard, arrive un landau tiré par deux chevaux menant un train d’enfer. À l’intérieur sont assis sur la même banquette trois hommes gantés, un bandeau de drap blanc sur la bouche et le nez. Celui du milieu est soutenu par les deux autres. Cet homme n’est autre qu’Antoine, ses deux amis le ramènent d’urgence.
François voit le landau se placer devant l’entrée dans un nuage de poussière, il ouvre la porte du perron, les deux hommes lui pousse dans les bras, celui qu’ils soutenaient de leur mains gantées, remontent sans dire un mot, jettent leurs gants au sol devant le perron et sans en dire plus, crient :
· Fouette cochet !
De l’effet de surprise remis, François reconnaît difficilement le fils de sa maîtresse.
Pourtant c’est bien Antoine qu’il supporte tant bien que mal, pendant que le landau disparaît au portail et tourne à droite en direction de St.Marcellin. François appelle à l’aide, en titubant du poids mort de son fardeau.
Le commis de service, vient et l’aide pour l’allonger sur le banc de l’entrée. C’est bien Antoine méconnaissable. Le tour des yeux glauques jusqu’aux pommettes, le front et les joues couverts de boutons d’où suinte un liquide blanchâtre.
François se hâte d’avertir sa maîtresse, de l’arrivée plus qu’inattendue d’Antoine, dans un inquiétant état de santé.
Quand elle peut mesurer cet état, dans un sanglot elle s’écrie :
· François, allez le plus vite possible, avec le cheval de Clément chercher le médecin.
Entre temps elle le couche dans son lit, il est complètement en sueur, brûlant de la fièvre l’assommant, le mettant dans un état presque comateux.
Le médecin arrive à toute allure, lui aussi sur le dos de sa monture. Saute au sol, écoute en avançant vers l’entrée, ce que lui dit François de ce qu’il vient d’être témoin, retire le drap le couvrant, ouvre sa chemise. L’examine. Son corps est complètement recouvert de boutons.
· Un cas de petite vérole dit-il à sa mère, il doit être dans cet état depuis de nombreux jours. Il a très peu de chance de s’en remettre. … En tous cas, qu’aucun enfant ne soit exposé à son contact, la maladie est très contagieuse … En ce qui le concerne, en plus, il a une complication vénérienne n’étant pas étrangère à son état.
Antoine victime de la vie de débauche qu’il mène depuis des années, a contracté cette maladie, avec les filles de joie.
Quand ne le voyant plus, ses camarades se sont rendus chez lui, ils l’ont trouvé sur son lit, comme ils viennent de l’amener sans rien dire, ni se faire connaître.
Le pauvre Antoine met une semaine pour arriver à sa fin.
Encore un coup inattendu pour tous les gens de la proche région et surtout pour tout son entourage. Sa mère secouée par une nouvelle épreuve, a beaucoup de mal à s’en relever, après une inhumation, où peu de monde fait acte de présence.
L’infernale série va-t-elle s’arrêter ?
Il est grand temps maintenant d’amener des réponses aux questions posées au sujet d’Antoine. Ce que personne ne sait, moins les deux garçons ayant ramené Antoine à la veille de sa mort et ce, sans s’arrêter, et plus particulièrement un des deux, frère de la femme qui partage sa vie à l’insu de tous les proches de Quinsivet, a eu avec lui un enfant male, qu’Antoine a reconnu sans en dire un mot à sa mère et à sa sœur.
Se fait ne change rien aux conditions de sa mort, mais change fondamentalement le devenir des personnes et des biens.
Qui est cette femme, de quoi vivent Antoine, Maryse la mère, et son fils prénommé Gaétan ?
Maryse est avec Paul, les enfants d’un notaire de Valence dont l’étude de petite taille est seulement tenue par le père du nom de Me Boucherand.
Pour l’instant nous resterons sur ces données pour voir ce que le temps va apporter à l’ensemble des situations de chacun.
Sachons seulement, qu’à la mort de son père, Antoine avait couvert ses arrières en emportant avec lui plusieurs des livres de compte tenus par son père. La mère et la sœur ne connaissant rien de ce que faisait Clément, la chose est passée inaperçue.
Le beau-père en quelque sorte, en vertu des prérogatives que lui ouvre son notariat, va se servir des ces registres pour trouver un revenu direct, payé à son étude de façon à ce que la manœuvre reste pour les payeurs sans réelle destination. La vraie destination étant Antoine et son fils reconnu, mais où la reconnaissance du mariage, mettrait à jour le stratagème.
Antoine va recevoir par l’intermédiaire du notaire Me Boucherand, nom de sa « femme », tous les revenus des locations de prés, de granges, de fermes, de bois, de fonds de commerce ou d’artisanat, éparpillés sur toute la grande région de cette partie de l’Isère, sans avoir à toucher aux revenus qu’il laisse à sa mère de la ferme de Quinsivet, et des alentours proches de Varacieux par exemple, partageant en deux le nombre des payants, soit environ 80 personnes, qui payeront de moins d’une livre à 280 livres pour l’arrentement d’une ferme de Brion.
Ce revenu de l’ordre de 11200 livres par an, lui reviendra à lui et ses successeurs, après sa mort qui ne tardera pas, enterrant avec lui son secret, qui cependant ne reste pas une malversation, puisqu’il partage avec sa sœur et sa mère la moitié des revenus. Antoine n’était pas si mauvais que son apparence laissait entrevoir.
Cette famille tenue secrète par Antoine, rebondira bien plus tard, nous en reparlerons le moment venu.
Encore une nouvelle donne, doit encore changer le cours des prévisions.
Depuis la mort de son frère, Eugénie est la seule propriétaire du domaine et du manoir de Quinsivet, (Au moins en apparence), sa mère gardant les revenus des placements comme rente accordée par son fils. Jean et Eugénie restent au manoir comme prévu auparavant. Ils vont décider de transformer la maison des Gilot, (celle du bourg), en dépôt magasin de vente. Une idée de Jean. Anne et Thérèse acceptent l’idée d’autant mieux que cette maison ne sert plus à personne.
Eugénie est chargée de s’occuper des transformations, au moins pour toute la décoration, mise en place de l’espace, etc. Elle règle les problèmes avec l’aide de l’architecte de Jacques concepteur de sa maison. Une responsabilité l’occupant bien, mais ne résolvant pas les problèmes relationnels de sa vie avec son mari.
Anne toujours consciente de la situation, a eu le temps de bien penser et de trouver la solution. Elle décide, de laisser la direction du contact clientèle à Eugénie, pouvant s’installer au village si elle le désire, dans les locaux neufs.
La fille d’Anne, devient de plus en plus accaparante. Pour cette raison, elle annonce à son frère Jean, son idée de faire restaurer la maison du « Gros châtaignier », qu’elle s’y retirera, si l’on peut dire, pour s’occuper d’elle et de sa fille le seul lien lui restant avec le grand amour qu’elle a vécu, « son Renaud », comme elle disait.
Toutes ces transformations sont prévues pour durer jusqu’à la fin de l’été 1363.
La maison du « Gros châtaignier » a repris une allure de jeunesse. Du haut de ses quatre cents ans, elle répond encore une fois, présente.
Anne en a fait une demeure superbe, conservant le caractère du haut Moyen Âge à ses façades. Par contre elle a fait transformer une aile des anciennes écuries des chevaux, en un appartement de vie pour le jour, conservant aux fenêtres le style Roman des existantes, mais plus large, pour plus de lumière. Elle a fait pour elle et sa fille un coin de nuit, inspiré de la maison de Jacques. Une belle réussite ajoutant à cette vielle maison, ce qui lui manquait pour être facilement habitable et bien vivable.
La sécurité retrouvée pour tous, les esprits se détendent, les corps aussi. Eugénie est enceinte depuis deux mois. Elle resplendit de bonheur, Jean aussi, espérant comme la plupart des hommes, un garçon en numéro un, car ils n’ont pas l’idée d’en rester là.
Sept mois plus tard, le 14 mai 1364, naissance de Jean-Louis son premier garçon.
Le 30 avril 1365 naissance du deuxième fils : Pierre-Jean. Son grand père dont il porte le prénom, a pour sa naissance soixante dix ans. Il a pratiquement passé la main à Jacques, qui lui, a quarante ans, le plein âge pour un homme. Puis trois ans plus tard une fille arrive le 10 septembre 1368 et porte le prénom de Clémentine.
L’habitude s’installe, mais l’habitude génère toujours des surprises. Eulalie est enceinte depuis l’anniversaire de Jacques le 22 juillet. Sa fille tant désirée, voit le jour le 25 avril 1366.
De très grandes joies successives, fêtées comme il se doit, avec bien sûr, le chanoine Caillat et son abbé.
Vu son âge, il a fini par demander l’abbé autorisé par sa charge.
Il est donc bien secondé par l’abbé Jean de Bressieux. L’évêque ayant nommé ce fils de grande famille dans un but bien précis, le chanoine doit « lui donner les principes de côtoiements des grands de la campagne ». L’évêque entend par là, les la Porte, les Murinais, les Troya, les Saint Jay réduit à une personne, Laurence.
Henri, duquel nous n’avons encore pas parlé, a passé les soixante ans. Depuis trois ou quatre ans, il met au courant son fils, qui assurera sa succession, avec l’accord de Jacques et de Pierre l’espérant bien comme cela.
L’ensemble de cet entourage, va subir ce que chaque génération traverse : Les enfants devront ensevelir les parents après leur avoir en principe succédés.
Ils n’échappent pas à la règle.
La première à partir est Laurence de Saint Jay, terrassée par les revers du déroulement de sa vie.
La deuxième fut Thérèse Gilot, elle aussi bien mal menée par la perte de ses deux hommes.
Le troisième fut Pierre des Troya, mourant tranquillement dans son lit, usé par une vie bien remplie et utilisée jusqu’au bout. Toute la région était présente pour ses obsèques. Tous les survivants de sa génération aussi.
La quatrième fut Magdelaine suivant de près Pierre son mari, qu’elle n’a pu supporter de perdre.
Puis le comte de Murinais, cède la place à son fils.
Ensuite le Marquis de la Porte fit de même.
Puis Marc de Boissieux, père de l’ami de Jacques.
Puis le chanoine Caillat laisse la place à son abbé, au moins pour un temps, après avoir prié et accompagné tous ces amis et amies, avec lesquels il a tout partagé.
Ensuite madame de Boissieux.
Encore le fidèle Henri du mas des Troya du foity auquel il avait destiné sa vie.
Autant d’immenses peines, devant être obligatoirement supportées par les fils, les filles, les petits enfants, les parents, les amis.
Toute une génération disparaît comme la nature l’a programmée. Rien pour autant n’arrête la marche des ans. L’éphéméride décroche ses pages aussi régulièrement, que les feuilles tombent des branches. L’homme dans ces moments, mesure le peu de chose qu’il est, par rapport à la route du temps.
Il n’empêche que les jeunes restent. Que sont-ils devenus pendant toutes ces années ?