La saga des troya - Saison 4 - Chapitre 18
Après la disette qui s’est passée, une vingtaine d’années plus tôt, nous touchons à l’aboutissement du règne de Louis XIII, depuis 1644 la crise économique est toujours là. Les seuls à résister sont ceux ayant eu les difficultés avant. Les marchands, les producteurs, les fabricants. Cela expliquant ceci c’est le « statu quo ». Les esprits sont toujours un peu remués par la triste Saint Barthélemy de 1572, des émeutes urbaines etc. … Le noir de cette période.
Cette population a eu la chance d’avoir Richelieu, Sully, les Princes de la Renaissance, construisant, employant, consommant, ne voulant pas tomber également, assumant le risque de s’endetter durablement.
Jacques 2, (Jacpy) ayant le plus grand écart d’âge avec ses frères, va forcément assurer le premier, et ses études et sa vie. C’est donc lui qui va garder les « Quatre chemins ».
Jean 2, un peu plus tard dans la même situation, va devoir choisir une autre voie ou découper encore le reste du domaine.
Son frère Jacques 2, par son père et sa mère, ont pu conserver depuis le dernier baptême, des amitiés devenues courantes avec le Marquis de la Porte, apprennent de sa part, qu’il « ne doit plus rien faire de ses mains, ne doit toucher à quoi que ce soit, des choses du travail manuel » s’il veut garder son titre nobiliaire. Cela est la décision Royale parue sous la forme d’un édit, imaginé par Richelieu, voulant essayer de relancer le commerce et les emplois. (Déjà)
Le marquis parle avec Jacques, de ses prévisions d’avoir à recruter un marchand pour ses terres de façon à respecter l’édit et conserver son titre.
Jacques 2, en parle à Jean 2, qui accepte le poste, en épousant dans la même foulée, la fille qu’il fréquente depuis quelques temps, se nommant Léonore Girod ou (Giroud), cousine germaine des Chabert et grand oncle du mari d’Anne 2 ; nous sommes le 13 janvier 1688 jour du mariage. Ce mariage a marqué les habitants de Varacieux, car ce fut un très grand mariage. Encore un me direz-vous ! Et bien oui et ce n’est pas le dernier.
La date de janvier est choisie par Jean 2 des Troyat, pour pouvoir assurer dès la bonne saison, son poste de marchand. Mais qu’est-ce qu’un marchand au rural ?
Marchand : « Propriétaire des récoltes et des bois, contre une rente annuelle, versée au propriétaire des sols », en l’occurrence le Marquis de La Porte.
Jean 2 est logé dans une partie intérieure du château très vaste, sur trois niveaux surplombant côté tour, toute la vallée, avec comme fond, le Vercors. Une vue extraordinaire.
Le logement du Marquis est attenant au sien situé sur le côté arrière Est / Ouest, alors que celui du Marquis débouche sur le devant face à l’Est, sur une cour jardin, soutenue par des murs très hauts, vestiges de la fortification de la ferme, où l’on voit encore sous la dépassée du toit qui les a recouvert, une bonne partie des meurtrières et arbalétrières utilisées à l’époque.
Ce château-ferme fortifié, dont les fondations sont antérieures aux Croisades a au cours des siècles bien changé de « visage ». Souvenons nous que c’est à cette occasion, que le premier troya, faisant partie supposée des trois frères fondateurs, fut emmené comme Croisé, par le Chevalier de la Porte, troya lui sauva la vie aux portes de Jérusalem en 1099, permettant aujourd’hui à sa descendance d’exister, d’où cette amitié et reconnaissance de toujours des La Porte envers les Troyat.
Le mariage de Jean 2 a lieu au château, le marquis l’ouvre grand à son nouveau marchand. Le jardin est un peu froid en cette saison pour servir de cadre à un repas. Ce sont les deux salons du bas, au niveau du jardin qui abriteront la noce.
La mariée est très belle comme toutes les mariées, coiffée d’une fontange, d’une jupe très brodée à pretintailles et manteau relevé sur la criarde en bleu pâle et blanc, souliers à bout carré formant bottine, talon haut, dit bottier pour Léonord, provenance toujours connue, des Troyat de Romans bien sûr.
Jean est habillé d’un juste au corps avec tunique à boutons longs à ganse, des bas blancs, couverts jusque sous les genoux par une culotte serrée d’un lacet, un jabot de dentelles et une épaulette en ruban blanc pour ce jour. Ses longs cheveux frisés lâchés jusqu’aux épaules.
Toute la famille des Troyat est là y compris le voisin Edouard des Troyat, négociant, pas très loin d’ici, installé à la suite de son père sur un sol autrefois terre du Mas du Foity bas.
Du château, se forme un cortège à pied, il fait un peu froid, mais beau. Le soleil brille autant qu’il peut en cette saison, l’air s’est réchauffé ; en faisant vite, l’église est atteinte en quelques minutes.
Ils entrent pour la bénédiction, toujours en cortège. L’église a été chauffée par des braseros de braises, entretenus depuis le matin par des hommes de la ferme.
Sont venus aussi tous les prêtres des paroisses voisines pour concélébrer ce mariage.
Le Marquis et la Marquise sont présents, avec leurs enfants.
Toutes les personnalités civiles sont ici, comme le souligne en les nommant l’acte du mariage, archive de la vielle église de Varacieu.
La messe de mariage terminée, la bénédiction et l’échange des anneaux accompli, c’est le retour au château-ferme, où le banquet est servi depuis les cuisines du sous-sol.
Jacques a approvisionné une partie du vin vieux depuis la cave du « Grand plan » et l’on boit pour la première fois du champagne de Reims amélioré par la méthode de Dom Pérignon. Les bulles montent un peu au front de certains, mais pas de dégâts. Il s’en suivit seulement une augmentation des naissances chez les couples présents.
Jean et sa charge, Edouard et son négoce, vont commercer le plus possible sur l’ensemble du domaine des de La Porte, à tirer partie des laissés pour compte d’un tas de choses pour lesquelles il est plus que temps de s’occuper. À cette remise en ordre de l’exploitation, vont s’ajouter les céréales et les noix, restant encore cultivées sur leurs propriétés personnelles. Cette union familiale va monter en puissance petit à petit, permettant de réaliser d’importants bénéfices.
C’est le 11 février 1743 que cette activité cesse. Jean passe le flambeau à un autre Jean 3, dernier fils de Gaspard, frère de Jean 2 né en 1667, dont le marquis avait accepté d’être le parrain et la marquise la marraine. (Acte paroissial de baptême). Ils profiteront du retour des biens dans leur giron, par les décès de Fassion et de sa femme née des Troyat, puis par les St Jay, du manoir de Quinsivet, devenu libre du précédent locataire, pour le céder en donation à Jean 3 vers 1743. Cette « donation », dont il est fait état dans des certificats paroissiaux signés du Marquis les années précédentes, (Voir les détails dans la partie dite extrait des actes authentiques), ouvre aux Des Troyat une autre porte, dont on peut se douter la portée.
La famille de Jean 1, le premier marchand, n’ayant fait que de faire croître sa fortune, a fait prendre à ces fils une autre direction, celle des affaires, du droit, de l’armée. (On les retrouvera dans les affaires Parisiennes avec de nombreux cabinets).
Jean, le fils de Gaspard a un frère Joseph, né en 1690, qui lui, prend la place d’Edouard auquel il rachète l’affaire et va épouser le 30 juin 1722, Magdelaine Rubichon. (Archive de Varacieux).
En 1730, né de Jean 3, à Varacieux, un frère de Catherine : Maxime-Joachim. Il va faire ses études au grand séminaire de Voreppe et entre dans les ordres. Il est d’abord nommé abbé à St.Sauveur, pour des remplacements, puis curé à Varacieux où une partie de sa famille est sur place. Il y assurera son ministère de nombreuses années. C’est le deuxième curé de la famille des Troyat, sous le nom de Don Joachim des Troyat curé.
Jean 3 a une fille Catherine. Elle va par son mariage avec le fils du marquis Giron de Millard de Chevrière le 9 octobre 1731, ouvrir en grand la porte de la noblesse terrienne du Dauphiné, confortant la précédente. (Archives de St.Marcellin et de Varacieux).
Je pense devoir m’étendre sur ce mariage, car à en voir la liste des signataires du registre de l’église, des noms qui y figurent, on peut dire sans se tromper que ce fut un événement. Le père de la mariée, Jean 3 a pris la suite de son père Jean 1, qui a hérité de la fortune que son père et son grand-père ont amassés comme Marchands des de La Porte. Le Marquis Giron de Millard de Chevrière se trouve dans une position complètement inverse. Il a le titre, la renommée, la grande maison voisine de l’église, mais pas assez d’argent pour entretenir le train de vie de son fils et plus généralement de sa famille.
Les jeunes époux se sont rencontrés lors d’une fête locale tout à l’honneur des fameuses tommes de Chevrière, Jean des Troyat se trouvant là avec sa fille Catherine rencontre le marquis et son fils par hasard.
Le Marquis traite alors en « voisins » Jean et sa fille, les accompagne avec son fils lors de la visite des « exposants » de cette réunion agricole, et pour finir les invitent à entrer chez lui afin de se rafraîchir.
Les enfants qui ne se sont pas quittés, un peu obligés de le faire par convenances, ont parlés et échangés de plus en plus leur avis, sur les produits ou autres matériels exposés sur la place et l’entour de l’église, jusque devant la maison du Marquis de Chevrière, située à côté de l’église.
À la maison du Marquis, sans être des effusions, leurs rapports sont de bons rapports.
Le Marquis qui connaissait bien l’état des finances des Troyat eut l’idée de faire avec Jean une union de convenances de sa fille Catherine et du fils Giron de Millard de Chevrière. Pour le Marquis, grande noblesse de la région, ses nobles contemporains n’étaient pas plus riches que lui. Cette occasion devenait la bonne.
Avec le consentement de Catherine, le mariage fut arrangé.
On peut dire que malgré ce mariage de raison, les époux vivront heureux et continueront la descendance des Giron de Millard, qui deviendront les Giron tout court, (Sans jeu de mots), d’ici la quarantaine d’années, qui débouchera sur la Révolution.
Fin d’une histoire rare dans la famille, car les liaisons ont toujours eues comme bases l’amour.
L’auréole laissée par ce mariage arrangera tout de même les affaires des Troyat, qui de ce fait vont se trouver en bonnes positions.
Marie 2, va pouvoir épouser Joseph Fayard, devenu bourgeois et rentier, prenant la suite de ses parents et de leur fortune.
Louis épouse Dominique Suiffon, la sœur de Jeanne, épouse de Joseph 2 (1690). Les avoirs Suiffon rentrent en totalité dans la famille, par ce mariage célébré le 7 septembre 1755. (Archives de St. Vérand). Ce sont les descendants de Jean, ayant été les invités du baptême de Jacques 2 vers 1698.
Une noce grandiose car il y a de quoi. Ce jour là sur le registre du curé il est noté tout particulièrement, la présence du beau frère de l’époux, bourgeois et rentier de Quinsivet. Mais aussi Joseph de Boissieux devenu marchand du manoir de Quinsivet qui vient de changer de mains avec le couple de Saint Jay et de sa sœur.
Pendant le même temps, en 1726, les chamoiseurs sont toujours en place à St.Marcellin, et perdurent avec et en même temps qu’eux, un frère Pierre, qui entre dans la boulangerie, comme l’on entre dans les ordres, pour y faire son apprentissage. Son destin va lui faire rencontrer Marie Saurin, (ou Souris), née comme lui en 1739, elle a pour sa rencontre, 23 ans, et est la fille de Marie, qui lui apprend à fabriquer les pâtes, comme elles sont faites en Italie d’où elle est issue. Ces deux paramètres les emmèneront très loin, nous le verrons plus tard. Ils vont se marier le 26 janvier 1762, (Archive de Crest et de St.Marcellin), pour fonder à Bayonne, (après une longue période de boulangerie à St.Marcellin et à Crest), la branche du même nom, dont l’histoire sera racontée plus loin. Son départ de Crest pour Bayonne a lieu en 1774, il a 35 ans, puisque né en 1739 sous le prénom de Pierre.
L’aîné des enfants, Jean-Louis, est attiré par la terre, il abandonne son droit d’aînesse à son frère Joseph, contre le paiement d’une importante soulte. L’argent ne fait pas défaut, la soulte est réglée. Il va acheter une partie des terres du « Gros châtaignier » au descendant de Gaspard, qui l’avait reçu de son père Jacpy, fils de Jacques, le bâtisseur des « Quatre chemins » il y a bien longtemps.
Encore une fraction du domaine initial.
En 1737 le 5 mars, François des Troyat épouse Marie Falque, (Archives de St.Marcellin), dont la famille est attachée au notariat, François ayant fait des études de droit, un rapprochement s’impose. Voici la deuxième entrée des notaires dans la famille des Troyat, qui suit celle des Des Troyat de la Valoursière lors des années fin 1400, début des années 1500 à 1550 environ.
À deux ans près, en 1739 naissait de la même union, un autre fils Pierre 4. Antoine son frère, le troisième, va comme l’on dit « traîner la savate ». Se suffisant des revenus qu’il a eu de son père par le dépôt au notaire d’une somme assez rondelette. Puis il va quand même se marier et avoir un fils, tout aussi enclin au rien faire que l’est son père. (N’est-ce pas ces deux la qui auraient poussé le voisinage à les comparer à des « fainéants). Nous en reparlerons pourtant longuement à Murinais et ailleurs, il se prénomme également Joseph et sera dit « l’indestructible ».
Les sœurs jumelles se retirent avec deux parts de la succession, dans une maison faisant partie de doz ou du foity, voire du Travers du Pin, la chose n’est pas sûr; car les lieux-dits sont très voisins, en tous les cas la ruine aujourd’hui disparue se trouvait à la limite de Varacieux et du Travers du Pin sur le côté droite du chemin allant à St.Marcellin, comme j’ai pu encore le constater au début des années 40, elles vont y décéder en vielles filles, restant ensemble jusqu’à leur mort dramatique.
Un incendie, les font prisonnières alors qu’elles sont âgées. Nous ne savons pas comment s’est déclenché cet incendie. Certains n’écartent pas la possibilité d’une bande de brigands, les ayant dévalisées et tuées, puis mettent le feu à la maison avant de s’enfuir en effaçant ainsi leur forfait. La chose est des plus possibles, car aucune valeur en or ou en argent n’a été retrouvée dans les décombres, valeurs, ne devant pourtant pas manquer.
Quant à Catherine 2, elle va connaître une jeunesse de luxe et d’abondances ; son père Joseph réussissant au mieux ses affaires. Varacieux a grandie, la demande est forte encore soutenue par les paroisses voisines venant s’approvisionner chez lui.
Jean, le fils de Gaspard a un frère Joseph, né en 1690, (vu plus haut), qui lui, prend la place d’Edouard auquel il rachète l’affaire, épousant le 30 juin 1722 Magdelaine Rubichon de la famille Rubichon précepteur laïc à Lyon. Ce mariage, quoique n’amenant rien d’extraordinaire dans la famille, va quand même servir de rapprochement dans beaucoup de domaines, mais surtout celui des idéaux. Ils décèdent respectivement : lui en 1742 et elle en 1779. Ils ne verront ni l’un ni l’autre la révolution de 1789 pour laquelle ils ont tant milités.
Le 9 novembre 1770, jour de son anniversaire, Catherine 2, a 20 ans. Cet âge, en Dauphiné se souhaite et se fête, surtout pour les filles, car c’est l’âge où il faut penser aux rencontres.
L’anniversaire de Catherine est donc organisé.
Pour ses vingt ans, ses parents ont mis les petits plats dans les grands, comme l’on dit dans les campagnes du Dauphiné.
Joseph et Magdelaine vont inviter, non seulement la famille, mais aussi des amis, des connaissances d’affaires, et des notables dont Joseph son père fait parti. N’oublions pas qu’il est le frère de Jacques, et de Jean marchand du marquis de La Porte.
Parmi les invités, un collègue négociant à Vinay, spécialisé dans le négoce des noix, se trouve ici certainement pas pour rien.
Vinay est un centre de cette production, comme l’est Varacieux, voire Quincieu à cette époque. Les deux hommes ont donc souvent besoin l’un de l’autre, soit pour écouler, soit pour compléter des lots de noix, qu’ils achètent quoi qu’il en soit, à tous les producteurs d’alentours. C’est seulement une question de prix.
Ce collègue se nomme Vincent Bouvier, il a un fils François qui a 21 ans et une fille Odette de 19 ans. Tous les Bouvier sont invités, les deux enfants et les parents. L’affaire est peut-être un peu prévue, le cavalier de Catherine doit être François Bouvier.
Catherine est, l’on peut le dire, une très belle fille. Châtain foncé aux yeux gris bleu, assez grande, fine, élancée ayant tous les avantages d’une très belle femme.
Le repas se fait à l’intérieur de l’ancienne maison, construite à l’angle du chemin allant sur Vinay, une maison pas très grande mais bien proportionnée, avec, côté sud-est une grande salle de vie sur le devant. Les fenêtres à meneaux font très renaissance, le toit à quatre pentes très Dauphinois. Un jardin l’entoure et s’étend vers l’Est. Sur ce passage je n’ai pas pu trouver la liaison entre cette maison et son jardin, avec un terrain long d’une belle surface actuellement celle occupée par la mairie de Varacieux, son actuelle église, la fontaine et la place. Jean-Pierre Détroyat actuellement adjoint au Maire, me dit son origine venir d’une congrégation de religieuses, je lui ferais confiance, il a vérifié comme cousin de la branche des Détroyat Perron.
Joseph veut bâtir une nouvelle maison plus grande, des magasins et des séchoirs à noix, il va le faire, mais je pense de l’autre côté de la route qui traverse Varacieux depuis St.Marcellin seulement depuis la fin du XIX ième siècle.
François Bouvier est un bel homme de 21 ans, blond foncé, les yeux bleus, une certaine élégance naturelle.
Tant et si bien que la rencontre est la bonne. Ils se sont déjà vus à diverses occasions mais n’ont jamais eu la possibilité d’échanger une discussion. Catherine et François s’en amourachent l’un de l’autre.
La coutume veut qu’à l’occasion des vingt ans, l’on offre des cadeaux. Ces cadeaux sont disposés sur une petite table prévue à cet effet. Le déballage se fait à la fin du repas, ou s’il y en a une, à la pose du milieu.
Les Bouvier ont fait un cadeau commun, posé sur le guéridon de noyer, trônant au milieu, dans un carton bien emballé d’une coudée de hauteur. C’est le plus attirant, Catherine ouvre celui là en premier. Surprise : dans la boite, un superbe cartel à aiguilles dorées et chiffres romains, sur un fond émaillé blanc. Le tour du cadran, est dans sa partie arrondie, tout d’incrustations de nacre et de bronze doré sur fond d’ébène. L’ensemble reposant sur quatre pieds dorés remontant en guirlandes découpées sur les angles. Sur le fond blanc émaillé du cadran, est inscrit le nom de Poncet, horloger à Vinay.
· Ce sera pour votre chambre, lui dit madame Bouvier … Vous avez le moyen, par un petit levier sur l’arrière, de condamner la sonnerie. C’est au choix.
· Je suis vraiment gâtée de votre part.
Elle s’avance, embrasse Rose la mère de François. Puis se retournant, se trouve face à François qu’elle embrasse aussi. Le premier baiser sur les joues, échangé par les deux jeunes gens. Elle se reprend de sa surprise, pour remercier Vincent le père, dévoilant un petit sourire bien satisfait. Une accolade à la sœur, le tour de la famille Bouvier est fait.
Catherine continue ses déballages, son père et sa mère lui ont fait cadeau d’un ensemble, collier, bracelet, broche, assortis, en or et saphir.
Cette fille est vraiment choyée, car tous les autres cadeaux, sont à la hauteur des précédents. Pour cette Catherine ce n’est qu’un début. Le début de ses rendez-vous avec François, très amoureux de sa fiancée.
Le mariage a lieu un an plus tard, le 20 février 1771 à St.Vérand, célébré par Monseigneur l’Evêque de Grenoble, devant un parterre éblouissant. (Archive de St.Vérand).
À cette époque les des Troyat sont partout dans la région. Sans trop savoir pourquoi à l’instar de nombreux autres, le nom va se muer en Détroyat. Les registres font état de cette nouvelle orthographe, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Un seul repère celui de voir sur les registres le mélange des deux écritures s’attachant aux mêmes personnes.
Pour cette énorme famille, la suite va se « corser » en quelque sorte … Bonaparte arrive.
En 1771, Antoine né à Varacieux en 1745, a un fils Joseph (le troisième Joseph) de Murinais, là où il habite depuis son mariage. Joseph ne sait trop quoi faire, après avoir traîné dans les écoles du voisinage sans trop avoir eu de son père un bien grand contrôle. (Voici Joseph, arrivant avec son histoire, plus que vraie, et pourtant incroyable).
Mais revenons à cette période, aussi trouble qu’importante, qui va de 1750 à 1789.
Tous les des Troyat, sont toujours restés décidés à défendre par leur façon d’agir et de se comporter, pour cette liberté de choix des personnes et de leur avenir.
Louis XV est roi depuis 1723.
Avant lui, le règne très long et très étoffé d’un grand roi, Louis XIV, cependant donnant plus d’avantages à la noblesse, qu’aux autres participants des couches sociales. Ce qu’il fait, l’est, pour calmer ou pour mieux contrôler. N’a-t-il pas dit ces mots : « l’Etat, c’est Moi ».
Les Etats Généraux de 1614 sont un échec. Les députés des trois ordres au nombre de 364, sont renvoyés chez eux et signent de leur impuissance. Richelieu mène une guerre de 30 ans. On « pend » beaucoup trop, pour laisser le peuple impassible, les esprits se chauffent doucement, mais sûrement.
Par contre on va beaucoup construire. D’énormes châteaux de plus en plus grands, mais il faut bien le dire, de plus en plus beaux. C’est au moins cela de gagné.
Vauban a fortifié à tour de bras et s’éteint en 1707.
L’obligation de tenir des registres paroissiaux est promue sous forme d’un édit vers 1620.
Les ateliers se transforment en manufactures, ce n’est pas pour déplaire à nos Détroyat fabricants. Une des bonnes choses, car tout n’est pas négatif.
Les salons où l’on se retrouve, se multiplient et même se concurrencent. Mais ils n’en sont pas moins l’« aura » de la culture française.
Pour mieux contrôler, le roi met en place « les intendants », (une autre forme de marchands, mais travaillant seulement pour sa cassette). Ce n’est pas encore ce qui va calmer les esprits.
Dans cette conjoncture presque inverse, aux pensées des familles Détroyat, il est inévitable d’en voir plus d’un se rebeller, sur les mises en état de fait, de plus en plus courantes.
En 1774, Louis XVI est roi de France.
Les vingt six années à venir font basculer la France, non seulement de siècle, mais aussi d’époque. Mais comment pour en arriver là en Dauphiné.
Cette libéralité, installée par Louis XI pendant vingt ans, (Louis XII la laissant progressivement de côté, Louis XIII n’en faisant pas moins), va devenir le détonateur d’un grand mouvement.
En Dauphiné va s’installer une sorte de résistance au régime en place. Pas avec l’idée d’une révolution, mais avec l’idée d’une évolution. Deux personnages : Jean Détroyat et Virepuis vont conspirer sous les noms de « guerre » de « Grizen et de Sinsonet », la fille de « Sinsonet » deviendra la femme de Pierre, dit à tort l’ancêtre des Détroyat de la lignée de Bayonne. Nous avons vu que le nom des troya va bien au-delà, au nom ancêtre, il serait conseillé d’ajouter connu au moment où ces recherches sont faites par le Général André Détroyat de Biarritz.
C’est dans cette optique que les Des Troyat ou les Détroyat, vont « conspirer » si l’on peut dire, mais pas seul, tant s’en faut.
La clandestinité va se réunir à Vizille, au château de la propriété du Duc de Lesdiguières, pour mettre en place en 1788 les états généraux du Dauphiné, qu’on appellera aussi la révolte des parlements, pour affirmer l’évolution, et demander les Etats Généraux de Paris, allant à leur tour s’ériger en assemblée constituante : Déclaration des droits de l’Homme.
C’est d’ici que rentre en ligne un enfant des chamoiseurs de St.Marcellin habitant la maison de Chatte achetée bien plus tôt par Jean et Eugénie de Saint Jay, fils et belle-fille de Pierre du foity haut.
Il faut dire que la chamoiserie est très affaiblie, le prix des vêtements à base de cuir devenant trop cher pour les utilisateurs, les ateliers sont en détresse. Nous avons vu pourquoi.
Le deuxième des enfants se prénommait également Pierre 2, il va entrer dans la boulangerie. Ce métier et seulement celui-là lui plait. Après son apprentissage à la boulangerie de la grande rue de St.Marcellin, son maître artisan va se retirer, son âge avancé ne lui permettant plus de faire ce métier pénible. Le boulanger propose à Pierre 3, de lui vendre son fond de commerce. Son père va lui donner les moyens d’acquérir ce fond, de se marier avec une fille de boulanger de Crest se nommant Marie Saurin ou Souris. Sa mère était la fille d’un cantonnier de Crest, se mariant deux fois, dont la dernière avec le boulanger père de Marie. Ce double mariage est très important pour la suite.
À la boulangerie vont naître trois enfants, deux garçons : Pierre 4 en 1739, reprenant le prénom de son père, Louis en 1740, et Lucie en 1742.
Louis successeur de son père à la boulangerie de St.Marcellin, aura de son mariage avec Rose Gilibert un fils, Joseph-Hypolite (avec un seul p.) et trois autres enfants. Ce Joseph-Hypolite nous en parlerons plus tard. (Archives de St.Marcellin).
Revenons à Pierre 3, né en 1739, marié le 26 janvier 1762 à Marie Saurin (ou Souris), demeurant à St.Marcellin de 1739 à 1762 soit 23 ans. Pendant tout ce temps, mais surtout à partir de ses dix huit ans, Pierre 3, va souvent se rendre chez son futur beau-père, poussé par son père à aller apprendre à faire ce que sa femme d’origine Piémontaise, avait appris de sa mère : fabriquer des pâtes en forme de vermicelles. Cet apprentissage lui valut de connaître sa future femme. Ils se marièrent à l’église St.Sauveur de Crest, comme l’atteste un acte de mariage de cette église.
Ce Pierre va être très prolifique, en ayant avec sa femme sept enfants : Une fille et six garçons. Ces naissances, dont quatre un peu à répétition à St.Marcellin, vont exaspérer le père, dont les rapports avec le fils vont se tendre, pour devenir insupportables.
Il décide donc de partir faire le tour de France avec une voiture fourgon, tirée par deux chevaux, dont les parents ont financés l’achat. Le Père Louis lui remettant en plus une bourse assez bien garnie.
Quand il quitte la région de Crest, muni d’un laissez-passer officiel du 18 mars 1774 le définissant comme suit : « … routier non sédentaire, voulant réaliser un tour des provinces en direction de Bayonne, comme marchand fabricant de vermicelle. Est âgé de trente cinq ans. Est exempt de tout blâme. Est considéré comme un homme probe … ».
Sa femme est enceinte du cinquième enfant. Nous sommes le 20 mars 1774. Pour eux va commencer une fabuleuse histoire.
Sur la petite place du marché située non loin de la boulangerie, l’attelage tout fringuant, attend le départ :
· Es-tu prête Marie, nous devons partir tout de suite, si nous voulons faire un bon bout de chemin avant la nuit.
Jean-Baptiste, Pierre 4, et Joseph 4, sont dans la carriole, mais Louise est encore avec sa grand-mère dont elle ne veut pas se séparer.
· Va la chercher je t’en prie il est temps.
Joseph dit « cadet » vient de dépasser ses cinq ans. Pour lui, cette expédition est toute excitante, sans trop savoir pourtant ce qui l’attend. Son frère Pierre le plus grand des garçons a neuf ans, Jean-Baptiste le moyen a sept ans. Louise l’aînée de la famille va avoir sous peu ses onze ans. Pour elle, raisonnant déjà en grande fille, elle se rend compte de ce que va être ce départ à l’aventure, elle toujours tant chouchoutée par sa grand-mère de Crest.
Sa grand-mère est bien déçue aussi de voir partir Louise l’ayant tant aidé à supporter le décès de son mari voici déjà sept ans. Elle va se retrouver seule, sans sa fille, ni son gendre, ni ses petits enfants. Pour vivre il lui restera seulement la rente de la cession du fond de commerce, les murs ne leur appartenant pas. Autrement dit, pas grand-chose. Sa fille lui a bien promis de la faire venir dès qu’ils seront fixés, mais elle se rend bien compte que cela ne sera pas chose simple.
Pour l’instant elle tient contre elle sa petite Louise pleurant à chaudes larmes.
Marie doit insister pour séparer Louise de sa grand-mère, lui faisant miroiter les rencontres que ce voyage va lui procurer. Louise ne pouvant en fin de compte ne faire autrement, se sépare de sa grand-mère, monte dans la carriole avec sa mère, dont les formes terminent de bien s’arrondir. Pour elle, faire des enfants est chose simple, cet état ne la formalise pas du tout.
C’est enfin le départ sous les yeux larmoyants de la grand-mère et des quelques amis de Pierre 3, venus un peu en curieux, mais aussi pour lui souhaiter bon voyage. Ses parents de St.Marcellin n’ont pas fait le déplacement, il est vrai que pour eux la séparation a eu lieu depuis longtemps.
L’itinéraire que Pierre s’est fixé, passe par le massif central, en suivant cette route des pèlerins passant par Notre Dame du Puy-en-Velay, pour aller jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Il compte sur sa fabrique ambulante de pâtes vermicelles, pour lui permettre de faire quelques entrées d’argent en route. Sur ce plan là les choses vont se réaliser comme il l’avait pensé. Par contre les étapes sont bien moins longues, les routes souvent en fortes montées, retardent l’attelage lourdement chargé.
Les arrêts aux relais épuisent rapidement la cassette, Pierre se rend compte que le peu de vente qu’il fait de ses pâtes ne suffiront pas à couvrir les dépenses d’un couple et de leurs quatre enfants. Le mois d’avril se réchauffe un peu, ils ont dépassé le Puy, le climat devient plus doux, ils devront dormir à bord de la carriole ou dans les granges.
Cette vie de roumis va s’éterniser jusqu’à Dax. Les enfants ont fini par se faire à cette vie un peu aventureuse, leur apportant tout au long de leur route, des paysages et des gens différents de ceux qu’ils connaissaient.
Pour les parents il en est de même et Pierre prend goût à ce genre de vie, trouvant depuis qu’ils sont vers Dax, la mentalité des habitants plus liante que celle de sa région originelle.
Mais le facteur temps, s’il n’est pas trop important pour Pierre et les enfants, l’est beaucoup plus pour Marie, arrivant à ses huit mois bien sonnés de grossesse. Les chemins sont de plus en plus cahoteux, durcis par un soleil plus chaud, restant au zénith une bonne partie de la journée. C’est de plus en plus souvent que l’on entend Marie se plaindre d’être un peu trop secouée.
Cahin-caha, ils arrivent quand même aux portes de Bayonne qu’ils aperçoivent au loin. La vue de son point de chute fait prendre des ailes à Pierre poussant un peu les chevaux.
· Tu vas trop vite lui crie-t-elle, tu me secoues de trop.
· Tu vois bien, on arrive, nous allons pouvoir nous arrêter !
Il ralentit un peu tout de même, mais surtout pour traverser le pont Saint-Esprit. Les roues de tous les véhicules passant régulièrement au même endroit ont creusé un ressaut avant la première pierre du pont. Le choc violent des deux roues du devant contre ce rebord, fait sauter Marie retombant sur ses fesses, pour refaire pareille une deuxième fois avec les roues du derrière de la carriole. Voilà qui va avancer les choses un peu plus vite que prévues. Tant et si bien qu’au plein milieu du pont Marie crie à son mari :
· Je suis en train de perdre les eaux … Mon enfant va naître ! Viens vite, tu dois faire quelque chose.
Pierre arrête les chevaux, attache les rênes d’un tour de main à la « bille » du frein, saute de son siège à l’intérieur de la carriole, pour voir entre les jambes de Marie la tête de l’enfant apparaître.
· Je vais t’aider, allonges toi ici.
Il tire une paillasse, qu’il enfile sous le dos de sa femme. Pendant ce temps les chevaux laissés à eux-mêmes, se sont carrément mis en travers du pont, formant un embouteillage monstre des deux côtés du pont.
Tout est bloqué, les gens commencent à grogner, ne sachant pas ce qui se passe exactement. La maréchaussée à cheval passant par là se fraie un passage pour se rendre compte de ce qui peut bien créer cet encombrement.
Vu la situation, l’un d’eux, attache son cheval à la carriole, dit à Pierre de continuer de s’occuper de sa femme, pendant que lui, prendra les rênes des chevaux et conduira tout l’équipage à l’Hôtel Dieu de Bayonne.
Son collègue ouvrant le chemin devançant l’attelage pour avertir les Sœurs de l’arrivée de la mère.
Est né sur le pont un garçon que le couple va prénommer Charles, nous sommes le 29 avril 1771. Les Sœurs devront garder la mère et l’enfant un peu plus que la normale, l’accouchement quand même peu orthodoxe, a laissé beaucoup de traces. La mère se remet, l’enfant moins bien, il décédera sans savoir pourtant si se sont des suites de ces incidents, deux ans plus tard en 1773.
Cette situation, condamne la mère à rester à l’hôpital, obligeant Pierre à subvenir aux besoins de sa famille tout près. Ce ne sera pas chose facile, mais ses vermicelles vont lui permettre de le faire, d’abord, à bord de sa carriole, puis plus tard, dans une échoppe de la ville qu’il réussira à acquérir.
Deux ans plus tard naîtra en 1774 Arnaud, dit Arnaud « le grand ».
Encore trois ans plus tard en 1777 de nouveau un Pierre 4 dit le « jeune ou Pierrouton ».
Pendant ces premières années les difficultés allant presque jusqu’à la misère vont lui faire écrire textuellement : « Ceux qui seront dans la prospérité, apprendront à ne point en abuser ; les malheureux pourront conserver courage et espérance ».
En plus il va perdre sa femme Marie en 1800. Il se remaria avec Antoinette Marsoulan, mais n’aura pas d’enfant de ce lit. Il reperdit cette deuxième femme en 1817, lui disparut en 1822.
Dès lors les événements vont aller très vite. Il va pouvoir par le biais de l’intendance militaire, fournir toutes les pâtes qu’elle demandera, pour subvenir aux besoins des troupes de Napoléon, qui ont passé la frontière pour mener sa guerre en Espagne, faisant suite aux troubles de la succession d’Espagne.
Ce fut le début de sa fortune. Il achètera pour loger sa famille en beauté, une propriété à Pey, à la limite des Landes, où logent encore ses descendants, le dernier en place se prénommant Roland, avec lequel j’ai eu le plaisir d’échanger nos recherches.
Rajoutons qu’à ce moment précis, la branche de Bayonne est en place, dont l’histoire, aussi bien la leur, que celle de la France, va en porter la trace.
Cette histoire peut faire l’objet d’un ouvrage spécial que nous verrons de faire plus tard.
La suite historique nous la connaissons. Le général Bonaparte émerge dans le paysage politique, comme son île.