La saga des troya - Saison 5 - Chapitre 20
Avant d’aller plus loin je dois préciser la fratrie, auteurs plus ou moins mêlés de ce que je viens de narrer :
Louis Detroyat du foity haut, se marie avec, Françoise Vicat dite Greffe le 05 octobre 1859, Jeanfrançois-Régis, leur fils aîné, se marie à son tour avec Adélaïde Jolly, (ou Joli nom de la ferme), née à Chasselay le 15 août 1831. Ce couple, à son tour aura cinq enfants :
Joseph-Sylvain Détroyat au lieu-dit Les Thomas, le 02 janvier 1862.
Jérémie Eugène - - - Croix Blanche le 30 / 11 / 1863.
Louis-Auguste - - - - - le 08 / 03 / 1864.
Marie Zoé (La Zoé) - - - - le 29 / 06 / 1867.
Phélicie - - - - - le 30 / 08 / 1870.
Jérémie, Louis Auguste, Marie-Zoé, et Phélicie, sont nés au lieu dit Croix blanche ; plus précisément, à la maison Détroyat, parcelles : 560, 561, 562, 563, portées sur l’ancien cadastre de Varacieux réalisé fin des années 1700, début des années 1800.
À peu près à la même époque le 23 janvier 1744 aura lieu le baptême de Joseph né le 22, fils des époux Joseph Pierre et Magdeleine Rubichon. Le 9 novembre 1750, un autre enfant Catherine. Le 14 janvier 1782 le baptême d’Eugène Charles Marie fils de Maurice Détroyat et de Marie Agnès Brizard, une autre famille importante dans la suite des événements à venir.
On peut voir que le premier enfant d’Adélaïde est né au lieu-dit Les Thomas et restera plus tard aux Thomas comme héritier par son droit d’aînesse, puisque tous les autres ainsi que les parents vont continuer leur famille au lieu-dit la Croix Blanche. Jérémie partira au service militaire, alors que Louis-Auguste restera chez son cousin Giron de Millard, tisserand en ces lieux à qui il passera le flambeau, en gardant avec lui ses parents, Jeanfrançois-Régis, et Adélaïde.
C’est avec Régis Fayard, que des liens de parenté rassemblent un peu plus, que va se développer la plus grande amitié. En plus de la petite ferme qu’il a, il vit de son travail de charpentier, menuisier, tonnelier, enfin tous les travaux du bois.
En 1899, le 14 juillet (sans doute un signe de la République), va venir au monde un fils Paul Camille, puis en 1902 une fille Anna Marie.
Marie-Louise leur mère est très pieuse. En pratiquante qu’elle est, elle veut faire de sa fille une religieuse : « Ce sera pour moi, le plus grand des bonheurs » dit-elle souvent à l’entour.
Camille va avoir 12 ans cette année 1911, le 14 juillet.
Son anniversaire prend un ton supplémentaire, car ce n’est pas rien. Certes pas encore des études terminales, mais allez donc demander le nom de la préfecture et de la sous-préfecture de tous les départements Français, à un bachelier d’aujourd’hui ; de même, de dessiner de mémoire toutes les cartes des colonies françaises d’Afrique ou d’Asie, avec les fleuves, les montagnes, les grandes villes, sans compter toutes les dates d’histoire depuis 2700 avant J.C., jusqu’à eux. Plus la géométrie, le début de l’algèbre et des notions de chimie agricole ! Tout ceci avant 11 ans.
Enfin, ce 14 juillet est une grande fête. On fête et la République et la réussite du certificat passé fin juin. Pour cela la famille part à bord du tilbury vert et rouge, attelé à un fringant demi-sang aux belles allures, afin de passer la journée à St.Marcellin, organisant en même temps que la fête, un feu d’artifice le soir. C’est le premier tir d’un feu d’artifice du 14 juillet de la région.
Tout est prévu, on va manger sur l’herbe du champ de mars à midi et le soir, pour assister au tir du feu dès la nuit tombée.
Régis Fayard le voisin, ami et cousin, doit veiller sur la ferme.
Vu avec le recul, ce fut une, pour ne pas dire la dernière journée de bonheur qu’ils vont connaître ensemble.
L’été se termine, puis l’automne suit. Il faut préparer les terres, pour faire quelques blés et surtout le deuxième labour des parcelles qui vont recevoir le tabac, ne supportant pas les sols durs. Il doit faire les labours, aussi passer la herse, voire faire un labour léger sous les noyers, en vue du ramassage des noix courant octobre, suivant la saison.
Jérémie est sur le labour pour la pièce de terre d’environ un hectare, bordant le chemin qui va chez Régis Fayard. Au fond du champ, par rapport au chemin descendant de chez Régis, se trouve une rangée de mûriers, à une branche de ces mûriers, Jérémie accroche son veston et son gilet, car tenir la charrue bourguignonne est assez physique. Il est très en sueurs quand il arrive avec l’attelage au bout, côté chemin. Alors qu’il tourne pour le sillon suivant, il s’entend appelé par Régis, voulant l’entretenir d’une corvée qu’il envisage, si possible de faire avec lui. Jérémie ne peut refuser, demande des détails. La conversation dure un peu. Jérémie sent la petite bise du nord le glacer, il ne veut pas retourner au bout du champ, en plantant là Régis ne le méritant pas, pour aller chercher son gilet et son veston. Bref … c’est le coup de froid radical.
Le lendemain il est fiévreux, le surlendemain malgré les soins de Marie-Louise la fièvre empire. Régis va chercher le docteur de St.Marcellin, venant au plus tôt, diagnostic un début de pneumonie du côté gauche, son bon poumon sans blessure. Cette vielle blessure du côté droit, va vite devenir un handicap en accentuant les difficultés. Il ne s’en relèvera pas et va décéder le 11/11/1911. Sept chiffres un dans cette date, du pas ordinaire ?
Marie-Louise se réfugie dans la prière et multiplie les pèlerinages à Notre-Dame de l’Osier, sollicitant la Vierge Marie, à venir à son secours.
Est-ce l’aide tant demandée qui arrive ?
Elle rencontre, alors qu’elle est au pèlerinage de l’Osier, avec ses deux enfants, un homme, s’étant assis sous les tilleuls, plantés sur la placette de la chapelle, tirant d’un panier un repas froid, comme l’ont fait peu avant Marie-Louise et ses enfants.
Pour une question de sel, que l’homme a oublié pour saler ses œufs durs, la conversation va s’établir. Il est veuf, elle veuve, seule avec cette ferme et ses deux enfants. Camille reste très touché par la disparition de son père qu’il aimait beaucoup. Il est vrai qu’à 12 ans, c’est l’âge où le père devient le plus important. Tant et si bien que la procession de l’après midi, ils vont la faire tous ensemble. Qu’après, au lieu de rentrer à pied par le sentier du bois, Santos-Cotin, puisque tel est son nom, va ramener tout le monde avec sa voiture à cheval, avant de retourner chez lui à Saint-Quentin-sur-Isère.
Il viendra rendre visite à Marie-Louise de temps en temps. Jusqu’à lui proposer de l’épouser pour passer ensemble le reste de leur vie.
Robert Santos Cotin est un bon mari et un bon beau-père pour les enfants. Le bonheur se réinstalle au mas du Travers du Pin.
Malheureusement pas pour bien longtemps.
Deux ans plus tard en 1914, Robert Santos-Cotin est rappelé de la réserve comme sous lieutenant, certainement comme l’aurait été Jérémie s’il était encore en vie. Est-ce encore le destin qui frappe ?
Au bout de deux ans de guerre, alors qu’il a 51 ans, il est fauché par un tir de mitrailleuse à la bataille de Verdun, qui fut la plus sanglante avec le Chemin des Dames.
Voici encore Marie-Louise veuve pour la deuxième fois.
En 1916 Camille a 17 ans. Comme son beau-père est mort au champ d’Honneur, son père des complications de sa blessure, sa mobilisation est retardée. Il va pouvoir continuer d’assurer la survie de sa mère et de sa sœur, en gardant les responsabilités en mains. Il décide de monter des châssis, c’est un peu le début de l’horticulture qui va l’habiter bien longtemps. Avec ceci et avec cela, la ferme tient et passe la guerre. Toutes les fermes alentours ont perdu, soit un mari, soit un ou plusieurs fils. La campagne est exsangue et beaucoup des situations de ces petites fermes vont basculer.
Anna a en 1918, 16 ans. C’est l’âge pour une jeune fille d’entrer au couvent, si elle désire devenir religieuse. Le destin, qu’a fixé la mère pour sa fille. Elle entre en noviciat chez les sœurs de St.Marcellin, s’occupant également de l’hôpital hospice. Puis après avoir promis monts et merveilles à sa mère, l’ordre la lui rend. Une bizarre façon de concevoir les choses de la foi. Cette femme qui c’est entretenue dans la pauvreté ne voit jamais sa fille là où elle l’a tant désirée.
Camille est appelé au service militaire comme infirmier à l’hôpital militaire de Lyon. Est-ce parce que saint Camille est le patron des infirmiers ?
Il va voir défiler dans cet hôpital, toutes les horreurs de la guerre juste finie. Des blessés les plus graves, amputés, gueules cassées, défigurés, grands gazés qui se meurent.
Il remplit parfaitement son service militaire, rencontre dans le même corps un « pays » de Poliénas, nommé Effantin, sergent responsable de l’infirmerie.
Mis en présence tous les jours, de ces morts vivants, les besoins sont grands, d’avoir à se changer les idées. Ils sortent souvent, son ami Effantin autant que lui, ont besoin d’échapper à cette forte pression. Comme chef du service, Effantin lui procure toutes les permissions que son grade lui permet de signer.
Ils se lièrent de plus en plus, au point de devenirs inséparables, mêmes les jours de plus grande liberté.
Ils ont aussi un autre point commun : les fleurs et les jardins.
La Parc de la Tête d’Or, devient une de leur promenade favorite, car il y a dans ce domaine une quantité extraordinaire d’espèces, aussi bien de France que des pays tropicaux et d’Afrique. Le parc vient d’installer des serres de plantes tropicales, évidemment chauffées pour assurer la base de leur survie. C’est aussi l’hiver, le rendez-vous de nombreux promeneurs de la ville.
Un jour de décembre, les deux inséparables se rendent aux serres. Sur un banc de l’allée, deux jeunes femmes, sont assises et parlent entre elles. Les deux militaires, dépendant du personnel de santé, ont sur la manche de leur vareuse, un brassard portant une croix rouge sur fond blanc, comme aujourd’hui la Croix rouge.
Les deux jeunes femmes sont intriguées par cet insigne, de presque dix centimètres de diamètre, ne passant pas inaperçu. Les deux copains le remarquent et intéressés aussi, par le fait de rencontrer des femmes, ils s’assoient sur le bout du banc, donnant les renseignements aux questions qu’elles posent.
Le plus dur est fait : entrer en conversation.
Ils finissent par savoir qu’elles travaillent au sein de la même maison, l’une comme nurse, l’autre comme camériste, chez un grossiste en appareillages électriques en plein essor, à Lyon. L’appartement est rue Victor Hugo.
La camériste s’appelle Augustine, une belle brune, bien faite pour l’époque, tape dans l’œil de Camille, comme Camille tape dans l’œil d’Augustine, avec ses yeux gris bleu, ses cheveux bruns, sa moustache courte légèrement rousse, les choses ne pouvaient en rester là.
Ils ne se quitteront plus, puisque rendu à la vie civile, Camille va épouser Augustine. Mais ne bousculons pas les événements.
Pendant le reste de son service militaire, durant trente mois, il va avoir plus d’une fois l’occasion de venir chercher Augustine à l’appartement de ses employeurs. Tant et si bien que Léon, le patron, fait entrer Camille chez lui où ils parlent ensembles de nombreuses fois. Léon voit en Camille un commerçant né, doué d’une mémoire exceptionnelle.
Il lui propose pendant qu’il est encore vissé à Lyon par son service militaire, de venir aux magasins de ventes, situés Cours Gambetta, les jours ou heures qu’il aura de disponibles ; que pendant ce temps il lui apprendra le métier d’installateur électricien, afin de pouvoir conseiller aux clients les matériels adaptés.
Pourquoi pas, pense Camille ; cela ne m’engage en rien et occupera mes temps libres, en créant des occasions de pouvoir rencontrer Augustine.
L’affaire fut vite réglée, au bout de cinq à six mois, Camille sait sur le bout des doigts les leçons d’électricité et sait parfaitement conseiller les artisans, ne connaissant pas les articles nouveaux ne manquant pas à cette époque, pour la mise en place de la fée électricité.
Camille rendu à la vie civile au mois d’octobre 1920, doit aller au plus vite au Travers du Pin, effectuer le ramassage des noix. Ce qu’il fait en restant en contact avec Augustine, par lettres ou par téléphone, dont Léon c’est muni à l’appartement et aux magasins.
Pendant l’hiver 1920, profitant du calme de cette saison, il se rend à Lyon où Léon l’emploie aux magasins. Une façon de bien gagner sa vie, mais surtout de se rapprocher d’Augustine. Léon, lui a prêté une chambre, allant avec les magasins du Cours Gambetta, dont les deux plus grandes, servent de réserves à l’étage.
Cette vie ne plaît guère à Camille, qui, comme tous les Détroyat, aiment leur liberté.
L’épidémie de grippe Espagnole, se répand à Lyon avec virulence, causant des milliers de morts. Augustine la contracte, mais va en réchapper, Camille reste indemne, mais est obligé de rentrer au Travers du pin, sa mère est lasse d’être seule.
Estimant la réalité de l’usure de sa mère, il en parle à Augustine, décidant de demander à ses parents de pouvoir épouser Camille. Une jeune femme dans la maison, étant forcément bénéfique pour leur mère, retrouvant peut-être du goût à revivre normalement, pensent-t-ils tous les deux.
Sa fille, est entrée chez les religieuses de Murinais où elle fait beaucoup de broderie, trop habituée au cocon du couvent, elle ne souhaite pas rester avec sa mère, qui, bien sûr, on peut la comprendre en désespère, en contribuant sûrement à son désespoir.
Quelques mois vont passer sans grand changement. Puis Augustine va convenir de présenter son ami à ses parents. Ils habitent Châtillon sur Chalaronne dans l’Ain, le père et la mère reçoivent Camille comme un très bon parti pour leur fille, ils voient en lui le propriétaire terrien, en plus il connaît très bien l’employeur de leur fille, qui en a fait un peu son protégé.
Le mariage est fixé pour le mois d’août, avec les fêtes du « derby » des courses de Châtillon, croulant sous les fleurs dont ils vont profiter.
Le père Monterrat va faire une démonstration de clarinette, cet instrument dont il joue fort bien, accompagnant souvent à ce titre, les mariages de la région.
Nous sommes en 1921, Augustine et Camille rentre au mas du Travers du Pin où les voisins viennent le lendemain matin apporter la « chichole » aux jeunes mariés. C’est une coutume Dauphinoise, encore souvent en vigueur.
Au même moment, le grand-père de Camille, toujours propriétaire et tisseur à Varacieux, a fait jusque là preuve de longévité. Mis à part le centenaire, il entre dans la catégorie des solides, pour décéder à 85 ans. Sa grand-mère Adélaïde est décédée depuis 1910. Les seuls héritiers restant en vie, sont les petits enfants, puisque tous leurs enfants ont disparu, soit depuis longtemps comme Jérémie, soit depuis peu. Restent, Camille et Anna, les petits enfants ; plus trois, du côté de sa grand-mère Jolly.
Les Jolly gardent la « ferme Joli » qui se trouve sur le plateau Chironais / le Champon, au Sud-est de Varacieux, et la maison du bourg. Camille comme garçon aîné va toucher sa part en liquide. Ce n’est pas pour lui déplaire, il a des projets, que la mort de son grand-père, laissant en succession la clientèle, lui permet de voir à nouveau comme une possibilité : le négoce et la vente.
Depuis le Travers du pin il essaye de lancer son commerce, qu’il a doublé de l’artisanat de poseur électricien avec les bonnes données apprises à Lyon. Malheureusement pas très doué de ses mains, à l’inverse des capacités qu’il a eues pour apprendre. Il en profite d’installer l’électricité chez lui, pour combler Augustine, ne s’entendant pas très bien avec sa belle mère. Mais l’un dans l’autre les affaires marchent bien. Rapidement il s’aperçoit que la situation géographique du mas du Travers du Pin, n’est pas favorable pour son négoce, qu’il doit compenser par sa présence au marché de Vinay et de St.Marcellin. Il n’empêche qu’il arrive quand même à pouvoir s’acheter la première voiture à moteur à essence du coin, une superbe De Dion Bouton, lui permettant de s’approvisionner plus rapidement et plus indépendamment pour son négoce et son artisanat. Il a passé son permis de conduire en 1923 et l’a réussi la première fois.
De son mariage avec Augustine Monterrat, il a eu deux enfants au Travers du pin, un fils et une fille, l’aîné depuis 1923 en janvier, la fille depuis 1927 en avril. Peu après, Camille achète un commerce à Vinay.
Au mois de novembre 1927 il y emménage avec son fils et sa fille. Le troisième enfant du couple, naîtra en 1931.
Au prix d’un dur labeur il va réussir définitivement dans ses choix : Celui des fleurs, des plants et des semences que son grand-père lui a insufflé sans le savoir.
En 1938, il achète sa deuxième voiture, une Peugeot 201 commerciale, avec hayon rabattant, et capote pliante. Le top du top pour l’année. Puis un peu plus tard il achète un camion Renault 2 tonnes 5, pour le transport des semences fourragères, les céréales, les volumineux sacs de graines de betteraves, enfin tout, dont chaque sac pèse entre 50 et 100 kg. Toujours pour faciliter son commerce, il fait installer à côté de son bureau, le téléphone, encore bien rare à Vinay puisque son numéro d’appel est le 7. Le septième à faire poser cet appareil dans la commune, alors qu’aujourd’hui personne ne peut s’en passer. N’est-ce pas là, la preuve de sa modernité ?
Jusqu’en 1939 début des nouvelles hostilités ; où son âge, le mobilisera sur place avec ses véhicules, il va asseoir sa situation pour devenir, avant la guerre, un homme très fortuné. Augustine n’étant pas pour rien dans la réussite, accouchera à la chambre se trouvant au dessus du magasin, un lundi jour de marché de cette année 1931, d’un garçon, Gilbert, Henri, Joseph, le dernier du couple.
Pendant la guerre de 1939, il va cacher pendant plusieurs années un membre de sa famille, recherché par la gestapo, avec son fils aîné René, s’étant échappé des chantiers de jeunesse.
Ce fils aîné s’enrôle au 11ième Cuirassier de la division Leclerc et va glaner aux combats, en investissant la ville de Colmar, une Médaille militaire et la Croix de guerre, pour faits d’armes déterminants le gain de la bataille ; notamment le maintient en service des lignes téléphoniques, reliant les postes de commandements du général Leclerc, qu’il va assurer seul, sous une pluie d’obus de 88 de l’artillerie allemande, il a perdu tous ses camarades ou morts ou blessés ce jour là. Son ancien cousin Joseph « l’indestructible », devait veiller sur lui.
Camille va traverser la guerre en faisant tout ce qu’il peut pour dépanner ses clients paysans, ouvriers, professions libérales se démenant dans le capharnaüm de cette triste période. Il décédera en 1973 à Tullins, accompagné par une foule estimée à plus de trois mille personnes venues pour un dernier hommage. Le service d’ordre, eut bien du mal à canaliser tout ce monde, obligé de faire une déviation de la circulation avant la traversée de Tullins.
Quant à Augustine, elle lui survivra de nombreuses années, puisqu’elle décédera à 94 ans en 1995. Mais continuons encore un peu l’histoire de ma famille.
Les mariages que l’on a vus nombreux et fastes, allaient se réduire comme peau de chagrin. Les conditions de vie en temps de guerre, l’imposaient. Ce n’est pas qu’il n’y en eut aucun, mais les restrictions infligeaient le peu d’ampleurs de ces réunions. Il faudra attendre 1947 pour retrouver les habitudes, lors du mariage de ma sœur, et 1953 en ce qui concerne le mien.
1943 allait être, sans doute, avec 1942, les pires des années de guerre. Les occupants sentant qu’ils perdaient pieds, devenaient de plus en plus machiavéliques et répressifs. C’était surtout les FFI, mais plus généralement les forces libres, qui devenaient leurs problèmes.
Les SS n’avaient de cesse à vouloir démanteler tous les réseaux.
Ce fut le cas pour mon oncle Jean des Hautes Alpes, frère aîné de ma mère, qui allait être découvert à fournir de l’essence aux FTP, depuis les réservoirs du dépôt allemand et civil où il était devenu veilleur de nuit, forcé par les revers de la guerre à prendre ce travail, lui qui avait passé sa vie dans le commerce et la boulangerie.
Dans la conception d’une obligation de guerre, les activités allaient rouler leur bonhomme de chemin, Camille demandait une autorisation de circuler qu’il obtenait de la kommandantur pour ses deux véhicules, dont l’un fonctionnait au gazogène.
Son appartenance à la rébellion, Camille rattaché par un autre beau-frère François, boulanger à Fures, lui-même en cheville avec une crémière de Tullins, madame Eymond, appartenant au réseau du Dr Valois, ne faisait plus de doute pour les milieux « autorisés ».
Profitant des autorisations de circuler, il allait faire du passage clandestin entre les mailles du filet. Tous les réseaux étaient très morcelés pour ne pas pouvoir être remontés. Avec les risques encourus, mon oncle transformé en jardinier, restait caché à Vinay, la supercherie allait fonctionner jusqu’à l’été 1944, alors que la zone libre ne l’était plus depuis longtemps.
Malgré les souricières tendues à la maison du tonton Jean à Gap, la tatie ne lâchait jamais le moindre mot, mais Jean ne pouvait jamais y revenir. Sa femme savait seulement qu’il allait bien, mais ne sut jamais où il était. À toutes les questions qu’on lui posait, elle se contentait inlassablement de répondre que pour elle il était disparu corps et biens, sans doute mort. Jamais la gestapo n’allait pouvoir faire un rapprochement avec un lieu quelconque, heureusement.
Cet été 44 allait rester très sombre dans les mémoires de la région. Cette période sera celle choisie par un détachement des Panzers divisions, un de la Wehrmacht et un de SS pour investir le plateau du Vercors, pourtant imprenable puisque défendu par presque quinze mille hommes.
Vendus et trahis, ils seront défaits par l’endroit qui devait être pour eux l’acheminement d’armes et de munitions par des planeurs : Le ciel de Vassieux-en-Vercors.
Quelques uns réussirent à passer à travers, par une bonne connaissance des lieux, puis en traversant l’Isère à la nage, ce qui n’était pas à la portée de tous.
Mais voyons ce qui s’est réellement passé à Vinay.
Le hangar du jardin se trouvait bien rempli, soit par Jean et René, et quelques égarés de passage, plus un troisième larron qui s’était joint ce jour de 1944, au deux premier : Louis Germain.
Lui aussi dans la clandestinité forcée, il ne pouvait rejoindre sa maison se trouvant en face du champ de mars.
Les Allemands et leurs camions, étaient cantonnés sur le champ de mars du village. Cinq cents hommes au moins et une unité de chars d’au moins une dizaine d’engins, stationnés dans la rue du dessous du champ de mars jusqu’à la route nationale et la tonnellerie Bithe. Plus deux sur le chemin en impasse sur les terres de la propriété Roux.
Il était hors de question qu’il puisse se rendre chez lui.
Il savait un peu qui se trouvait là, il s’y rendit depuis son séchoir à noix lui ayant servi de vigie pour découvrir l’impossibilité de traverser le champ de mars sans se retrouver déporté ou fusillé, se trouvant là au moment du débarquement de toute l’armada allemande, lui coupant tout retour chez lui. René qui était un de ses bons copains, le cacha avec lui et son oncle.
Toute cette colonne de chars barrait le chemin, obligatoirement à prendre si l’on voulait rejoindre le hangar et le cabanon douche. L’essais fait par Emile Joly, dit le Mil, d’aller les retrouver avec quelques provisions dissimulées, se soldait par un échec, les soldats le repoussant chez lui manu militari sans ménagement dès sa sortie sur la place, ni son âge, ni ses cheveux très blancs et sa carte d’ancien combattant grand blessé de guerre, n’eurent le moindre effet, bien au contraire.
Ces interdictions m’obligèrent d’entrer en scène.
Rappelons le, je n’avais que treize ans, je décidais de porter secours à mon frère et à mon oncle. Je ne savais pas encore l’existence sur place du troisième homme, Louis le copain du même âge que René, soit un peu plus de vingt et un ans.
Il habitait la grande maison à côté de l’église, avec deux sœurs, un frère et sa mère, veuve des suites des gazages de la précédente guerre, Louis étant considéré comme soutient de famille, mais il savait bien que cette différence ne pèserait pas lourd auprès des SS, et serait même une cause supplémentaire d’être arrêté.
Pour donner le change aux occupants il fallait trouver un stratagème.